Après avoir mené la grande vie, Stéphane Waser a tout perdu. La semaine dernière, il était expulsé de son appartement. Il attend un dénouement favorable.
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La scène est cruelle mais ordinaire: ce 21 mai, huissier, représentant de la régie et déménageurs s'affairent dans un appartement de la rue d'Eysins, à Nyon, sous les yeux de Stéphane Waser, locataire expulsé. La raison? L'homme d'une cinquantaine d'années ne paie plus ses loyers. En octobre 2013, il recevait ainsi une ordonnance d'expulsion pour le 14 mai. Il y a deux semaines, après la visite de ces mêmes institutions, il avait été décidé de laisser une semaine supplémentaire au locataire pour trouver une solution de logement. En vain. Stéphane Waser ne sait pas où aller. D'où sa colère: "Ce que je ne comprends pas, c'est qu'un citoyen qui a payé des centaines de milliers de francs d'impôts se retrouve à la rue. Ils ont la mémoire courte!" De fait, dans un courrier du 14 avril adressé à la Ville de Nyon, la Justice de paix du district rappelait ceci: "Je vous prie de bien vouloir ordonner les mesures nécessaires pour que Stéphane Waser ne soit pas momentanément sans logement et que le mobilier ne reste pas déposé sur la voie publique."
Un "cas à part"
Seulement, mercredi dernier, à l'heure où les diverses instances sont venues vider l'appartement et récupérer les clés, Stéphane Waser ne s'est pas vu proposer de solution de logement. A la Ville de Nyon, c'est l'embouteillage, selon Michel Piguet, chef des Affaires sociales. "La Ville possède effectivement trois appartements dits de "dépannage". Ils sont tous occupés. Nous venons d'attribuer, il y a une semaine, le dernier des trois à une famille expulsée. Car, pour nous, les familles avec enfants sont prioritaires au moment d'attribuer ces appartements d'urgence." Dès lors, la Ville de Nyon a "délégué" le dossier au Centre social régional (CSR), financé par les communes du district et le Canton. Seulement, entre Stéphane Waser et le CSR, les relations sont compliquées. Et pour cause, l'homme est un "cas à part". Assureur et actuaire au CV des plus épais, créateur d'entreprises et de fondations qui a mené "la grande vie", selon ses mots, l'homme, après sa "chute" suite à la crise des subprimes en 2007, s'est vu chassé du Revenu d'insertion (RI) en avril 2013, après deux années de jouissance de cette aide. Dès lors, tous s'est enchaîné, jusqu'à l'expulsion du logement.
Reste une question: pourquoi l'homme a-t-il été chassé des services sociaux? "Ils me soupçonnent de gagner encore de l'argent. Alors que, vous voyez bien, j'ai pas un sou en poche" , clame Stéphane Waser. Selon lui, tout aurait décliné quand, en 2012, par souci de transparence, il annonçait au CSR avoir inscrit une nouvelle entreprise au Registre du commerce afin de sortir de la misère. Problème: non seulement l'intéressé ne gagnera pas d'argent avec cette nouvelle société, mais surtout, sa rente sera supprimée. "L'aide sociale n'est pas du tout là pour soutenir la création d'entreprise" , insiste Antoine Steiner, directeur du CSR, à l'heure d'expliquer le cas Waser. Il détaille aussitôt: "Les examens visant à l'attribution de revenus d'insertion sont de plus en plus complexes à effectuer . Aujourd'hui, on trouve également des gens qui furent propriétaires, indépendants, patrons ou administrateurs, et qui sont encore en lien avec des sociétés. Il nous faut beaucoup de temps pour faire nos enquêtes. Nous sommes loin du cliché de l'ouvrier qui ne paie plus son loyer."
Alors, Stéphane Waser est-il victime de son CV ou joue-t-il un double-jeu? Mercredi 21 mai dernier, le CSR consentait tout de même à lui octroyer 100 francs en extrême urgence: il passera la nuit dans une auberge de Marchissy. Le lendemain, alors que le CSR annonçait ne plus lui venir en aide, Stéphane Waser alertait une nouvelle fois la Ville de Nyon. Qui décidait de financer, jusqu'au lundi 26 mai, son séjour en demi-pension dans la commune du pied du Jura. Enfin, ce même lundi, le CSR décidait de revoir sa position provisoirement: Stéphane Waser pourra loger quinze nuits dans un hotel de son choix (selon un tarif maximum fixé par le CSR) et s'est vu octroyer la somme de 550 francs en liquide.
Changement de cap
Que s'est-il passé pour qu'un tel changement de cap s'opère? L'homme a-t-il activé ses réseaux? Antoine Steiner explique: "Dans cette situation d'extrême urgence, nous avons décidé que le doute devait lui bénéficier." Reste que Stéphane Waser, satisfait de ce dénouement provisoire, qui lui laisse "le temps d'organiser la suite dans des conditions acceptables" , devra tout de même, d'ici 15 jours, prouver son "indigence" au CSR pour bénéficier à nouveau de l'aide sociale. D'ici là, Stéphane Waser espère que ses futures activités professionnelles vont se développer. Il espère également que la justice tranchera rapidement au sujet d'un litige: Stéphane Waser réclame en effet plusieurs centaines de milliers de francs à l'une de ses anciennes entreprises. "Tout est une question de timing, je suis millionnaire sur le papier, mais pour l'heure, je n'ai rien. Or j'ai des droits comme tout le monde."