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"Le foot est un secteur économique en hausse de 5% par année"

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Rencontre avec Gianni Infantino, secrétaire général qui juge nécessaire la construction d'une halle multisports à Colovray. Il commente aussi des aspects purement sportifs.

 

info@lacote.ch

 

Michel Platini lui dit toujours: "Il ne faut pas que tu parles de football, tu n'y connais rien! " Et pourtant, Gianni Infantino, secrétaire général de l'UEFA, est sans aucun doute moins médiatique que son président, mais la discrétion n'a jamais été signe d'inefficacité. Au contraire. En poste depuis 2010, il s'est glissé dans le costume de secrétaire général et apparaît à chaque tirage au sort lors de compétitions internationales. Il avoue n'avoir pas l'impression de travailler, il vit sa passion pour le football au quotidien. Ce dimanche, l'UEFA marquera son 60 e anniversaire. Double festivité cette année, puisqu'elle célébrera également ses 20 ans en terre nyonnaise, le 4 octobre, lors d'une grande journée portes ouvertes de son splendide bâtiment.

Comment l'UEFA se sent-elle à Nyon? Et quels rapports entretenez-vous avec la Ville? Le Canton?

Magnifiquement bien. Nous n'avons pas cessé de grandir, ce qui signifie que nous nous sentons très bien ici, à l'aise. Le cadre est idéal, on peut bien travailler, on est proche d'un aéroport international très bien connecté avec de nombreuses destinations européennes. Nous sommes arrivés à Nyon en 1995 et ce bâtiment a été inauguré en 1999. Personnellement, je suis arrivé en 2000. Nous entretenons d'excellentes relations avec le syndic de Nyon et le Canton, en particulier Messieurs Broulis et Leuba, ancien arbitre international qui connaît mieux que nous tous les rouages du football. On a des relations régulières pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de sujets à discussion.

L'UEFA se sent-elle privilégiée, notamment en termes d'impôts?

Comme toutes les autres organisations sportives en Suisse, l'UEFA bénéficie d'un régime fiscal particulier, étant donné que nous sommes une organisation qui redistribue tous ses revenus aux fédérations et aux clubs. En tant que personne physique, employé de l'UEFA, je paie mes impôts comme tous les employés.

Cette question des impôts revient régulièrement, est-ce que cela vous agace?

Non, parce que la situation est transparente et claire depuis toujours. Je ne pense pas que l'UEFA en a abusé ou en abuse. L'argent que génère l'UEFA est redistribué grâce à cela. Il peut y avoir du football dans beaucoup de pays, même si dans certains pays ou clubs, ils pourraient se passer de nous. Les autorités cantonales, surtout, et suisses ont très bien compris cet aspect dès le début des installations sportives en Suisse, raison pour laquelle il y en a tant.

Justement, il y a plus de 60 fédérations internationales sportives dans le canton, est-ce que cela facilite le travail?

Nous avons de bons contacts avec les autres, cela crée une sensibilité particulière pour les besoins que l'on a. Ici à l'UEFA nous avons 38 nationalités différentes. C'est un cadre international qui présuppose tout un processus pour les permis, les écoles, les enfants... qui nécessite effectivement une certaine réceptivité. Grâce au fait qu'il y a d'autres fédérations, cela aide dans ces discussions. L'UEFA, à elle seule, injecte plus de 100 millions par an dans l'économie locale. Ce sont des petits chiffres, mais ceux qui ont des commerces, des hôtels et des restaurants le savent. Nous essayons de faire notre travail et nous sommes très reconnaissants d'être ici.

Nyon se vante d'être la ville des festivals, de la culture, ce qui a tendance à énerver les clubs sportifs locaux qui réclament davantage de moyens. Etes-vous sensible à leur appel?

Oui, dans la mesure où l'on a tous participé, d'une façon ou d'une autre, à des clubs locaux, moi dans le Haut-Valais. Les clubs, basés sur le bénévolat, ont toujours besoin de moyens. Raison pour laquelle, en 2000, nous avons créé la Fondation pour le développement du sport qui aide certaines associations locales dans la mesure de ses moyens. Ce n'est pas parce que l'UEFA est à Nyon que tout d'un coup le Stade Nyonnais doit jouer en Champions League! Chaque club dépend des dirigeants qui savent les motiver. Je me rappelle de Madame Viviane Freymond qui a réalisé un extraordinaire travail avec le Stade Nyonnais. J'espère que ce club trouvera quelqu'un qui puisse reprendre sa place.

En vous donnant la gestion du site de Colovray, la ville de Nyon a de facto réalisé des économies. On aurait pu imaginer que cet argent soit reversé pour le sport, ce qui n'a pas été le cas. Quel regard portez-vous sur cet aspect?

Je ne connais pas les détails. Il est clair que quand l'UEFA a repris, en 2010, le centre de Colovray, la commune de Nyon a réalisé une économie qui se situe entre 800 000 et 1 million par an. Je ne sais pas si une partie de cet argent a été versé au sport. Si cela n'a pas été fait à ce jour, cela peut être effectué dans le futur. Nous avons pris l'engagement de nous occuper du centre de Colovray pour les cinquante prochaines années; pour commencer. Après, nous allons certainement continuer. Il y a de la marge pour donner quelque chose aussi au développement du sport dans la région.

Les clubs sportifs de la ville parlent beaucoup de la halle multisports. Vous avez dû aussi en entendre parler à l'UEFA en tant que gestionnaire du complexe de Colovray. Est-ce un projet qui peut à terme être réalisé ou est-ce l'Arlésienne?

Oui, c'est vrai que pour une petite ville comme Nyon ce serait une nécessité d'avoir une halle qui pourrait aussi être utilisée pour le football, en partie en hiver, quand il fait froid. Après, il y a le processus politique qui prend toujours un peu de temps. Il faut trouver quelqu'un de passionné pour faire avancer ce dossier.

En matière d'infrastructures, envisagez-vous d'autres extensions?

Nous avons construit deux nouveaux bâtiments et avons la capacité d'accueillir 450 collaborateurs. Ce qui manque aussi dans la région - cela peut être une idée à concrétiser avec la salle multisports - c'est une vraie salle de conférence. Nous faisons notre tirage au sort dans l'auditorium mais il a ses limites quant à sa capacité. Il faut aller à Genève ou à Lausanne. L'annonce des treize villes qui seront les villes hôtes en 2020 sera d'ailleurs faite à Genève, car on n'a rien trouvé par ici.

Avec les matches des coupes d'Europe les mardis, mercredis et jeudis, des matches internationaux de qualifications sur plusieurs jours, ne craignez-vous pas une surabondance de football à la télévision?

Le sujet nous occupe. Nous réfléchissons beaucoup à la question, effectivement. D'un autre côté, nous voyons que les revenus TV et surtout l'exposition et les audiences ne cessent d'augmenter. Nous avons conduit des études pointues et, résultat, le football est un secteur économique en hausse de 5% par an sur ces cinq dernières années. Il n'y en a pas énormément d'autres qui peuvent se targuer d'une pareille augmentation avec la crise.

Dans les chiffres, comment cela se traduit-il?

Le football européen génère aujourd'hui 14 milliards d'euros de rentrées par an, reversées aux diverses fédérations nationales et aux clubs. Alors oui, nous devons être attentifs, garder un bon équilibre. Après il y a des lois que l'UEFA doit respecter. Nous sommes tenus de faire un appel d'offres pour chaque match organisé et joué.

Cette hausse constante des revenus, comme l'expliquer?

Difficile à expliquer. Le football fait rêver. C'est quand même une passion, de la magie. Surtout en période difficile, en général les gens ont envie de voir quelque chose où ils n'ont pas besoin de trop réfléchir, où ils savent qu'ils vont vivre des émotions. Puis, je pense - mais je suis de parti pris - que l'UEFA essaie de faire les choses de manière professionnelle, correcte, transparente, et je crois que cela est apprécié.

L'UEFA s'investit pour le développement des jeunes, en organisant de nouvelles compétitions juniors. Il y a quelques années ce fut l'Euro M17 féminin. Cette saison, la Youth League. Quel bilan tirez-vous de cette première édition?

Un bilan très positif, tant pour nous que pour les clubs. La Youth League (ndlr: Ligue des champions M19), comme toutes les épreuves juniors qu'on organise, est une compétition qui nous coûte de l'argent et n'en génère pas; ce n'est pas son but. Ces tournois doivent aider à développer les jeunes, et ces derniers ont beaucoup appris - au vu des feedbacks que nous avons eu - et ont grandi. L'objectif premier est donc atteint.

Et vous aimez organiser ces compétitions, lors de leur lancement, à Nyon...

Nous choisissons d'accueillir ces phases finales "chez nous" car nous désirons donner quelque chose à la ville et à la région. Nyon n'aura jamais une finale de la Ligue des champions (sourire entendu) , mais si nous pouvons organiser d'autres événements à Colovray, nous allons le faire avec grand plaisir. Et puis le cadre bucolique est sympa.

Donc, pas de changement de lieu pour la phase finale de la Youth League en 2015?

Non. Celle-ci prendra de nouveau place à Nyon (ndlr: lors de cette première phase finale, Colovray avait fait le plein de spectateurs tant pour les demis que la finale) .

Tout de même, ces jeunes de moins de 19 ans sont - pour la plupart - déjà "starifiés" et leur valeur marchande prend l'ascenseur. Comment se place l'UEFA face à ce phénomène?

C'est un fait: lors des compétitions de jeunes, beaucoup de Talent Scouts et d'agents tournent autour des terrains dans l'espoir de recruter un de ces juniors. Tout est cependant encore, je pense, dans des limites raisonnables. Et être exposés médiatiquement, ça s'avère également un apprentissage. Ces jeunes vont le vivre ensuite au niveau pro. Peut-être seront-ils mieux préparés?

Le fair-play financier, cheval de bataille de l'UEFA. Est-ce à dire que vous admettez que le football est allé trop loin dans la surenchère?

Oui, nous nous sommes rendus compte de certaines dérives. L'augmentation des revenus s'accompagne d'une hausse des frais. Ces coûts, il faut pouvoir les payer. Notre tâche, en tant qu'organe de régulation, se veut de protéger les clubs et les supporters. Nous avons besoin de règles pour cela et le fair-play financier est un moyen mis en place avec les clubs pour limiter leurs pertes.

A l'heure du sport-business et du sport-spectacle, un retour en arrière est-il possible?

Nous nous battons pour changer les mentalités. Lors de l'introduction du fair-play financier, le déficit - pour l'ensemble des 650 clubs européens - était de 1,7 milliard d'euros. C'est énorme. Après une année, celui-ci est passé à 1,1 milliard. Alors que les cinq années précédentes, le déficit s'était creusé de 600 millions à 1,7 milliard. Nous allons dans la bonne direction, il faut que les clubs suivent, ils le font. Le principe est simple - ne pas dépenser plus que ce que vous gagnez -, les règles aussi car le foot est simple. Cette mesure n'est pas si bête, même si nous ne gagnerons jamais le Prix Nobel.

Peur de la faillite des clubs?

C'est l'une des raisons du fair-play financier. Car une faillite ne s'avère pas qu'un problème pour le club, mais également pour les autres clubs. Cela met à mal les compétitions.

Pourquoi avoir alors attendu si longtemps pour réagir?

(Il rit, la réponse fuse) Il fallait Michel Platini! Nous devons convaincre, pas imposer. Le processus s'apparente à l'introduction de la ceinture de sécurité.


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