Le flair des chiens de rouge met fin à l'agonie du gibier blessé ou accidenté.
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Les préjugés sur les chasseurs sont légion: cruels prédateurs à la détente facile, motivés par le plaisir de tuer, viandards... Auxquels la plupart d'entre eux rétorquent qu'ils sont, au contraire, des passionnés de faune et de nature. Certains font un pas de plus pour allier l'acte à la parole.
C'est le cas de Jean Fournier, grand adepte de Saint-Hubert mais également surveillant auxiliaire de la faune pendant 32 ans. Enfin, disons que Salsa, sa chienne, a donné un sérieux coup de patte au destin des animaux blessés. "Elle chasse très mal. J'ai pensé qu'elle pourrait devenir un bon chien de rouge" , sourit le Pranginois. Sa chienne - une springer spaniel de cinq ans - lui a donné raison. L'animal, sous la conduite de son maître, a obtenu en juin dernier son certificat et figure désormais sur la liste officielle des chiens de rouge. "Ce travail avec Salsa est une question d'éthique: c'est un devoir moral d'aller rechercher du gibier blessé" , affirme Jean Fournier.
Les chiens de rouge - exclusivement issus de races de chiens de chasse - sont entraînés à remonter la piste d'un animal blessé, sur la seule base de quelques infimes indices, gouttelettes de sang, poils. En cause, les tirs malencontreux de chasseurs, les accidents de la circulation ou lors de travaux agricoles.
Un pionnier à L'Isle
Le Pranginois a passé son examen en même temps que Dominique Morel, surveillant permanent de la faune, et que sa chienne Xylia - une rouge de Hanovre, race réputée pour cette activité tout comme le rouge de Bavière. "Retrouver les animaux blessés, cela fait partie de notre job. C'est une question d'éthique et de respect pour les bêtes. Et sans chien, on ne fait pas grand-chose" , affirme Dominique Morel.
Dans cette entreprise, l'homme et le chien forment un binôme qui doit fonctionner ensemble. Si le flair de l'animal est prépondérant, le conducteur de chien de rouge a aussi un rôle à jouer. "Le plus difficile, c'est d'arriver à comprendre si le chien est dans la bonne direction. J'ai beaucoup appris lors des entraînements en observant ma chienne et grâce au décryptage de son comportement par le conducteur agréé" , explique Jean Fournier.
Bernard Reymond, de l'Isle, ancien surveillant permanent de la faune, est pionnier de cette discipline dans le canton. Il a formé son premier chien de rouge en 1978, une tradition qui vient des pays germaniques, où les chasseurs se font un point d'honneur de ne jamais laisser un animal agoniser à la suite d'un tir malencontreux. "En Allemagne et en Autriche, les chiens de rouge sont sacrés. Si un chasseur ne fait pas appel à un tel chien quand un animal est blessé, on lui retire son permis de chasse" , explique Jean Fournier. Une fois l'animal retrouvé, le conducteur de chien de rouge, ou le chasseur qui l'accompagne, met le plus souvent un terme aux souffrances de l'animal agonisant en l'abattant.
Sur La Côte, Jean Fournier et Dominique Morel sont pour l'heure les deux seuls conducteurs de chiens de rouge agréés. "Il y a un manque en la matière, c'est dommage" , regrette Jean Fournier.
JOCELYNE LAURENT