Adrien Widmer, 21 ans, élève au Conservatoire, est tourneur de pages pour le Lunaclassics. Il raconte la scène.
contessa@lacote.ch
Lors du concert inaugural, mardi soir, il était le troisième homme sur la scène de Luna. Son rôle discret est essentiel. Et il doit rester dans l'ombre. Car le public n'était pas venu pour lui, mais pour écouter les pianistes Nelson Goerner et Joseph-Maurice Weder interpréter à quatre mains une Fantaisie de Franz Schubert.
Le temps de trois concerts, Adrien Widmer est le tourneur de pages du Lunaclassics. Une mission qu'il assume pour la première fois dans un cadre aussi prestigieux. Agé de 21 ans, l'habitant de Vinzel suit le Conservatoire de l'Ouest vaudois (COV) depuis une quinzaine d'années, section piano classique. "Nous avons reçu un message d'Eric Biéler, président du COV, qui recherchait des élèves, niveau avancé, susceptibles de remplir cette tâche. J'ai montré mon intérêt car il s'agit d'une occasion unique d'être sur scène, à la bonne place, et d'observer comment cela se passe, avec toute la pression que cela implique. Une semaine avant le concert, j'ai pris contact avec les organisateurs du festival qui m'ont engagé." Adrien Widmer n'a pas eu le temps de se préparer. "J'ai juste rencontré M. Goerner avant le concert, mais j'aurais aimé assister à une répétition au préalable."
Néanmoins, il s'est familiarisé avec les oeuvres jouées, mais sans pouvoir réellement s'exercer. Car d'une édition à l'autre, d'un format à l'autre, le rythme de lecture varie. "Fondamentalement, c'est facile, il faut juste tourner une page, mais c'est la pression qui rend difficile l'exercice."
Le regard des pianistes, le public comme absent
Pour le tourneur de pages, le stress est bien présent. Ne pas aller trop vite, ne pas tourner la page avant la fin des notes, être précis, dans le tempo, se déplacer comme un chat, empêcher que la chaise grince, éviter le mauvais geste qui ferait tomber la partition sur les mains des pianistes. "Par le passé, j'avais déjà été tourneur de pages pour ma famille ou lors de concerts amateurs, mais jamais à ce niveau. J'étais très concentré. Etrangement, je n'ai pas ressenti le regard du public mais uniquement celui des pianistes qui parfois me faisaient des signes." Difficile aussi pour lui d'apprécier le concert. "Je ne l'ai pas savouré, c'était très intense."
Rien que de la musique classique
Adrien Widmer rêve-t-il d'une carrière de pianiste? "Je n'ai pas assez de talent , juge-t-il, il y a beaucoup de musiciens et c'est dur d'en vivre." Grâce à sa famille, il baigne dans un univers musical classique, il aime le répertoire romantique allemand, Beethoven, Mendelssohn, Liszt... Il admire la virtuosité du pianiste hongrois György Cziffra et du Polonais Krystian Zimerman. On ne risque pas de le croiser au Paléo, "à moins que pour le concert classique, ils aient besoin d'un tourneur", glisse-t-il dans un sourire timide.
Parallèlement à ses études en HES, Adrien Widmer se donne encore deux ans avant de boucler son certificat au COV. Dans une année, il compte partir à l'étranger.
Ce soir, il sera aux côtés de la pianiste chinoise Yuja Wang, il partage sa nervosité et une certaine appréhension, mais cette fois-ci, une répétition générale précédera le concert.
Et si demain pour un concert, il avait besoin d'un tourneur, à qui ferait-il appel? "A mon professeur de piano, sinon j'ai toujours essayé de jouer par coeur."