Quantcast
Channel: La Côte - News - Nyon
Viewing all articles
Browse latest Browse all 3849

Vincent Mangeat, une vie dans ses murs

$
0
0

L'architecte âgé de 73 ans publie une monographie, "Logos&Faber".

info@lacote.ch

Installé dans son bureau nyonnais depuis 1970, l'architecte Vincent Mangeat vient de sortir "Logos & Faber", qui revient sur son oeuvre. Décrié ou admiré, le Jurassien d'origine ne laisse pas indifférent. Rencontre avec l'un des architectes les plus connus en Suisse romande.

Vous êtes à l'origine d'objets marquants dans les années 80 et le début des années 90 (gymnase de Nyon, Viaduc Iles Falcon à Sierre, fuselage d'avion à la Dôle). Pourtant, le bâtiment qui a le plus fait parler de vous - le projet tour de glace dans le cadre de l'exposition universelle de Séville en 1992 - n'a en fait jamais été construit...

La tour de glace a en effet déchaîné les passions et provoqué une bagarre au niveau national. Ma volonté était de rendre visible ce qui est devenu complètement à la mode aujourd'hui, à savoir l'énergie grise, dont on ne parlait pas à l'époque. Je voulais bâtir une tour de "béton de glace", avec un matériau qui ne coûte rien du tout, l'eau du Guadalquivir, que l'on aurait congelée avec de l'énergie pendant les six mois de l'exposition, pour ensuite remettre l'eau dans le fleuve. C'était scandaleux à l'époque, mais c'est devenu une thématique de premier plan, tout le monde ne parle que de l'énergie grise aujourd'hui. En 1992, cela a été reçu comme une provocation, alors que ça me paraissait une vraie question à l'horizon...

Avez-vous été atteint par toutes ces critiques?

On passe sa vie à prendre des coups de bâton. Et même s'il n'a pas abouti, il reste quelque chose de ce projet. J'ai parfois des retours de gens qui ont compris les enjeux. Si l'architecture n'apporte rien au débat du monde dans lequel on vit, quelle est son utilité? L'autre jour, j'ai été visiter l'école Gai-Logis à Nyon: les enfants se sont précipités vers moi et m'ont dit: "merci pour cette belle école que vous nous avez fait". J'en ai eu les larmes aux yeux. Les coups de bâton et ce genre de moment magique sont importants, tout le reste n'est que futilité...

La Maison de l'écriture, véritable temple pour écrivains inauguré en 2013 à Montricher, est pensée comme une cité: "histoire d'habiter dans un espace d'écriture et non d'écrire dans un lieu d'habitation". La ville est-elle toujours au centre de votre questionnement?

Ça me paraît être la question la plus urgente et la plus délaissée aujourd'hui. La plus urgente car "la ville est une maison et la maison est une ville", l'espace qui nous appartient à tous est celui de la ville. Les gens se sentent le mieux où c'est consistant, donc au centre, où c'est dense.

La question de la construction de la ville est le parent pauvre de l'architecture en entrant dans le XX e siècle, car la majorité des architectes actuels font des objets, alors que la ville est un ensemble de systèmes. Soit vous réfléchissez en systèmes, c'est mon cas, soit en objets. La maison des écrivains de Montricher est pensée comme un système, comme une petite ville. Ce lieu a été habité par des générations d'enfants dans des colonies de vacances. J'ai compris qu'il y avait deux bâtiments, la colonie et une chapelle. Il y avait donc un pluriel et une promesse de ville car les deux édifices peuvent se parler.

Il s'agit d'un projet un peu fou, une sorte de rêve pour vous, l'architecte, non?

Non, je n'ai jamais attendu une commande extraordinaire. Dans le livre, ce projet occupe la même place que le petit chalet que j'ai bâti à Evolène pour mes parents. Pour moi, c'est l'architecture qui commande.

L'édifice comporte quelque 124 troncs sous une structure représentant une canopée. Quelle place occupe la nature dans votre perception de l'architecture?

Une place essentielle, même s'il n'y a pas de clin d'oeil à la forêt dans le projet. Il y a en fait un sol artificiel en haut, dans la canopée, avec notamment des cabanes accrochées pour les écrivains. La bibliothèque, qui contient 85 000 livres, est ancrée au sol et pour toujours. L'endroit où il y avait la chapelle, qui sert aujourd'hui de lieu d'échange et de débat, est également ancré au sol. A Montricher, de la géothermie aux matériaux utilisés, tous les moindres détails sont en règle avec les normes.

Les architectes doivent justement composer avec des contraintes et des législations de plus en plus restrictives...

A l'époque il y avait d'autres contraintes, liées notamment à l'acheminement du matériel. Et les contraintes favorisent la créativité: "tu gagneras ton pain à la sueur de ton front". Parfois, si l'on sent qu'il n'y a pas assez de contraintes, il faut s'en inventer.

Vous avez pris le parti de publier votre leçon inaugurale et finale à l'EPFL dans "Logos & Faber". La boucle est-elle bouclée?

Il m'a semblé judicieux d'insérer ces deux leçons de début et de fin de l'enseignement, pas pour faire un mausolée mais pour dire que ce que j'annonce dans une leçon inaugurale, on pourrait sous-entendre que l'enseignement le démontre.

Et que l'oeuvre est au rendez-vous. C'est une sorte de prise à témoin de ces deux leçons et de l'encadrement de l'enseignement au niveau polytechnique. Mais l'enseignement se poursuit d'une autre manière et j'ai encore plusieurs projets en cours .


Viewing all articles
Browse latest Browse all 3849

Trending Articles