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Les vignerons sont en état d'alerte

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Un insecte d'Extrême-Orient menace les récoltes de raisin. Pour éviter de tout perdre, des viticulteurs envisagent de vendanger dans l'urgence.

daniel.gonzalez@lacote.ch

Après la grêle l'année dernière, voilà qu'une autre plaie tout droit venue du ciel s'abat actuellement sur nos vignobles. En effet, la drosophile suzukii, une mouche asiatique, sévit actuellement dans les vignes de La Côte allant jusqu'à menacer une partie des récoltes à quelques semaines des vendanges.

Bien que présent sur le sol européen et suisse depuis 2011, l'insecte a pris tous les vignerons de court, et pour cause, il ne s'était jamais attaqué avec tant de vigueur au raisin par le passé. "A son arrivée, la drosophile suzukii constituait avant tout un problème pour les cultures de baies, tels que framboisiers ou fraisiers. Puis, cette année, on l'a vue s'attaquer aux pruniers et aux cerisiers et maintenant aux vignes. Tous ces fruits ont un point commun, ils sont de couleur rouge et foncée, raison pour laquelle le raisin blanc semble pour l'heure épargné" , explique Christian Linder, collaborateur technico-scientifique à l'Agroscope de Changins, où le nuisible est étudié depuis plusieurs années. Contrairement à la mouche du vinaigre dont elle est très proche en termes de taille et d'aspect, celle que l'on nomme aussi drosophile du cerisier pond ses oeufs dans des fruits sains.

La faute à un hiver doux et un été humide

Y aurait-il eu un manque d'anticipation? L'entomologiste réfute, car s'il admet que la mouche avait déjà ravagé par le passé certains vignobles du Trentin-Haut-Adige, dans le nord de l'Italie, l'ampleur des dégâts constatée cette année est sans précédent. Ainsi, de l'Allemagne à l'Italie, en passant par la Suisse et la France, aucune région viticole au climat tempéré n'a échappé à l'invasion du nuisible asiatique. "La raison est à chercher dans un faisceau de facteurs météorologiques très favorables , indique Christian Linder. L'hiver 2013-14 a été particulièrement doux favorisant ainsi les conditions d'hibernation des mouches et la prolifération de fruits sauvages. A cela, il faut ajouter un été humide et pluvieux, un terreau idéal pour ces insectes qui apprécient les zones humides et ombragées. Par conséquent, la drosophile suzukii est arrivée dans les vignobles avec six semaines d'avance, alors qu'elle ne débarque habituellement qu'au moment des vendanges, réduisant ainsi drastiquement son potentiel de nuisance."

Celle qui est devenue l'ennemi public n°1 des viticulteurs n'est pourtant pas la seule à avoir profité de ces conditions climatiques exceptionnelles. Tout un cortège de ravageurs, en cette période pré-vendanges, a également proliféré et s'est engouffré dans la brèche ouverte par la mouche asiatique pour aggraver l'état de pourriture acétique du raisin.

Vignerons désemparés à l'approche des récoltes

Face au phénomène les vignerons s'avouent quelque peu désemparés. "A trois semaines des vendanges, on se sent démunis, car on doit faire face à une nouvelle menace sans avoir véritablement d'armes pour répliquer" , soupire Luc Pellet, vigneron à Mont-sur-Rolle. Un sentiment que semble partager plusieurs de ses confrères. Faute donc de disposer d'un moyen de lutte radical contre l'insecte et obligés de parer au plus pressé, les viticulteurs agissent en ordre dispersé, souvent en fonction de l'état de dégradation de leurs propres ceps. Malgré tout, tous disent observer la situation au jour le jour, tentant de retarder au maximum le mo ment des récoltes. Si certains recourent à des insecticides biologiques pour endiguer le phénomène, moyennant l'attente d'un délai supplémentaire avant la récolte, d'autres ont choisi de répandre des poudres à base d'argile sur les vignobles touchés. "En les blanchissant et en faisant baisser leur taux d'humidité, la chaux ou le talc rendraient les fruits moins attractifs pour les mouches" , décrit Christian Linder. Le chercheur avoue toutefois qu'en l'état actuel des connaissances, il est difficile de confirmer l'efficacité de ce procédé.

Quoi qu'il en soit, lorsque le raisin semble trop attaqué, il faut se résoudre à précipiter les vendanges, comme s'apprête à le faire Patrick Lüthi, un producteur d'Etoy: "Certaines de mes parcelles sont bien atteintes, probablement parce qu'il y a beaucoup d'arbres fruitiers dans la zone. C'est pourquoi j'envisage très sérieusement de commencer à vendanger." Même en parvenant à sauver plusieurs grappes de la pourriture, il devra se résoudre à produire du rosé avec le manque à gagner qu'engendreront inévitablement ces vendanges précoces. Si Christian Linder insiste sur le caractère exceptionnel de cette année, il ne peut exclure le scénario du pire pour l'avenir: "Au début des années 2000, certains millésimes possédaient une pourriture acétique relativement importante, alors que la drosophile suzukii était absente de notre territoire. Maintenant, si le genre de conditions météorologiques défavorables que nous avons connu en 2014 devait se répéter, nous irions certainement vers des années difficiles."


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