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De la poésie dans le chaos

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L'après-Fukushima vu par l'artiste Japonaise Miho Kajioka.

"As it is - C'est ainsi"

Jusqu'au 17 janvier

Galerie Fotografika, Borgeaud 10, Gland

Vernissage aujourd'hui, dès 18h

Lu-sa, 9-12h et 14-18h30.

(Fermé ma matin et sa après-midi)

www.fotografika-gallery.com

info@lacote.ch

L'été dernier, le galeriste Carlos González a rencontré Miho Kajioka, journaliste japonaise mais aussi artiste photographe. Séduit autant par ses images que par sa personnalité, il l'a invitée à exposer dans sa galerie, à Gland, pour la première fois en solo. Sa série s'intitule "As it is - C'est ainsi" et peut être découverte dès aujourd'hui.

" Deux mois après le désastre de Fukushima, alors que j'étais en reportage dans la ville de Kamaishi, où plus de 800 personnes avaient péri, j'ai trouvé des rosiers en fleur derrière un immeuble dévasté , raconte Miho Kajioka. Ce fut la première fois que je sentais la mort si près de moi et, à côté, ces roses fleurissaient simplement parce que le temps se réchauffait. Aux yeux de la nature, c'est un événement ni bien, ni mal, elle n'a pas de jugement." Saisie par ce constat simple et magnifique d'une nature imperturbable, le désir de revenir à l'art s'est fait sentir en elle après dix ans voués au journalisme. Elle s'est alors mise à photographier les détails qui captaient son oeil partout où elle allait: le beau dans le chaos. Et d'afficher son sentiment sur l'événement: "Les médias regorgent de documentaires morbides au sujet de ce désastre. Je voulais montrer autre chose" .

L'accident de Fukushima a eu un grand impact sur les Japonais. Pourtant, la plupart d'entre eux n'ont jamais su ce qui s'est exactement passé, et ne savent toujours pas si le Japon est sûr. L'année dernière, alors que Tokyo a été choisie comme ville hôte des Jeux Olympiques d'été en 2020, les agriculteurs et les pêcheurs, évacués au moment de la catastrophe, sont retournés chez eux et ont recommencé à travailler. Certains ont même choisi d'aller travailler sur le site de Fukushima pour ne pas subir la honte de ne pouvoir subvenir à leur famille. "C'est la mentalité japonaise..., poursuit Miho Kajioka. Et puis, ils ont appris à vivre avec les catastrophes naturelles. Le pays subit éruptions volcaniques, typhons ou tsunamis depuis toujours. Tout le monde se souvient d'Hiroshima. Ils préfèrent rester optimistes. Le plus important, pour moi, était donc de montrer que la vie continue quoi qu'on fasse. Les saisons se succèdent, les gens tombent amoureux et les enfants jouent... Même si un panneau indiquant le taux de radiation est installé devant leur terrain de jeu."

Les photographies argentiques, en noir et blanc, de Miho Kajioka se rapprochent des estampes japonaises traditionnelles, qui ornaient les murs de sa maison d'enfance et qui ont imprégné son être. "L'esthétique japonaise tient compte de l'espace vide, voire le surpasse parfois quant au sujet lui-même, explique-t-elle . S'il y a trop de choses dans une image, il vous est plus difficile de vous concentrer sur son essence."

Un accès direct aux choses

Tenant dans une main, les images présentées à la Galerie Fotografika sont installées dans des cadres en bois, sans vitres, et les bords du papier photo utilisé sont bruts. Car, dans la tradition japonaise, il est de mise d'avoir un accès le plus direct possible aux choses. Les photos n'ont pas de titre, parce qu'il serait trop court pour exprimer ce que l'auteure souhaite dire.

Cela dit, son travail pour le "Burn Magazine", qui l'a invitée à publier régulièrement ses photos sur Instagram, l'a amenée à joindre du texte à ses photos. Un concept qu'elle souhaite adapter pour sa prochaine exposition intitulée "Layers - Strate". Elle s'attachera encore plus aux différents niveaux de lecture liés à cet événement. "Juste après l'accident de Fukushima, je trouvai un blog, parlant des paons abandonnés dans "la zone interdite". Je commençai à imaginer les paons qui se promenaient dans la ville vide, avec leur beau plumage déployé. Cette image qui semblait loin de ce qui se passait à Fukushima, je l'ai prise. C'est comme si deux couches différentes d'images se superposaient sans se toucher: le lieu de la catastrophe et les paons en parade. C'est dans cette direction que s'oriente ma démarche. Le monde n'est-il pas fait de plusieurs couches de tragédie et de beauté?"

Elégantes comme des haïkus, les photos de Miho Kajioka ont quelque chose de suranné et de très moderne à la fois. L'artiste saisit des détails, la photographie est réaliste, rendant à la nature ce qui lui appartient.


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