Si vous faites un tour vendredi dans les bistrots nyonnais, soyez attentifs: vous y croiserez peut-être Loic Lantoine, qui tend l'oreille.
Le parolier originaire du Nord-Pas-de-Calais interprète ses "chansons pas chantées" sur de la musique souvent improvisée. Il jouera vendredi à l'Usine à gaz avec quatre musiciens dont François Pierron, son camarade de toujours, à la contrebasse. Entretien avec cet homme qui utilise la force des mots pour les envoyer à la figure du public. Et pour parler de son métier, de l'écriture et des bistrots.
Les mots ont une place importante dans votre musique. L'étiquette "chanteur à textes" vous convient-elle?
Depuis le dernier album, je chante de plus en plus, mais sous la forme parlée/chantée. N'oublions pas que je ne suis pas compositeur: mon rôle c'est les textes et l'interprétation. La composition garde toujours son côté magique pour moi: ce sont mes amis musiciens qui ajoutent un propos musical à la chanson. Un texte triste peut-être reçu de manière tellement différente selon s'il est dit sur une musique gaie, ou non...
Donc vous écrivez, et la musique vient après?
Il n'y a pas de règles, mais comme j'écris pour être entendu, ce que j'écris est très vite prononcé. Je suis attaché à l'interprétation de mes textes: au début je ne pouvais pas supporter que quelqu'un d'autre les lise, c'est pourquoi je me suis retrouvé catapulté sur scène. Comme j'étais seul, j'essayais d'ajouter comme je pouvais du rythme à tout cela. Ce que je fais est essentiellement oral: j'ai récemment refusé une proposition d'écriture d'un recueil. Je juge que cela ne conviendrait pas à mes textes.
Votre interprétation fait parfois penser à Tom Waits.
C'est un personnage que j'apprécie, mais je prends soin de ne pas trop l'écouter afin d'éviter de trop lui ressembler. Il ne faut pas oublier que nous avons tous les deux des voix de fumeur.
Vous semblez aussi entretenir un lien étroit avec les bistrots.
Oui, c'est là que j'ai commencé à jouer, avec mon ami Pierron. On faisait ça avec les moyens du bord, et ça a été une bonne école, car nous venions aux gens, et non le contraire. Ce sont des carrefours de vie, des lieux de poésie populaire. Lorsque j'arrive dans un endroit inconnu, je prends toujours le temps d'aller dans le bistrot du coin, pour prendre la température du lieu. J'écoute les gens discuter et déconner dans leurs parlers respectifs. Les tournures sont différentes partout, même si le but est le même: passer du bon temps. Une fois, en Suisse, on m'a demandé: "Ça joue?", ce à quoi j'ai répondu "Oui, à 20h30", en pensant qu'on me parlait du concert du soir.
C'est de là que vous tirez les différents parlers et l'argot dans vos chansons?
Entre autres. Je suis une éponge pour ces choses-là. Ça vient tout seul, quand je suis chez moi, je parle chtimi, et quand je suis trop longtemps au même endroit, je prends très vite l'accent du lieu. C'est en partie naturel, et ça se ressent dans mes chansons. Il y a aussi un peu de gourmandise, comme pour ma prononciation: j'aime entretenir le côté caricatural.
Le titre de votre album est "J'ai changé". Faut-il le prendre au sérieux?
Je n'aime pas donner des clés pour que l'on m'interprète, c'est dangereux. Ce disque est un peu plus tendu au niveau musical que les autres. Au fond, si j'ai changé, c'est surtout parce que cinq ans se sont écoulés entre cet album et le précédent.
Et qu'est ce qui n'a pas changé?
Je suis toujours intimidé par le public et surpris par l'ambiance unique de chaque spectacle. Je tiens à garder près de moi que ce métier n'est pas éternel, que ça reste un peu du n'importe quoi. J'ai démarré de manière inconsciente, sous l'impulsion de mon papa de métier Allain Leprest, et j'essaye de continuer de la sorte.
On dit que vous testez vos chansons en concert avant de les enregistrer. Le public de l'Usine à gaz pourra-t-il entendre des nouveautés ce vendredi?
Nous jouerons sûrement des chansons que nous n'avons pas sorties et qui mûrissent gentiment concerts après concerts.
Loic Lantoine (F)
Vendredi 12 décembre, Usine à gaz, Nyon, à 20h30.