Venues du ciel ou de la banque centrale, les mauvaises nouvelles s'accumulent.
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Président du Conseil d'administration de Télé-Dôle, Stéphane Natalini est un battant. On le sent tout de même abattu, mais toujours prêt à se battre pour la survie de la société qui exploite les remontées mécaniques. Les mauvaises nouvelles tombent en rafales bien plus drues que la neige si longtemps attendue.
En effet, à l'absence de neige s'est ajouté jeudi dernier le bouleversement monétaire après l'annonce de la Banque nationale suisse de ne plus soutenir le cours plancher de l'euro à 1,20 franc suisse. Au bureau de la société de remontées mécaniques, à Nyon, le directeur tente de relativiser. Le décrochage de l'euro n'impacte pas les affaires jusqu'ici "puisqu'on n'a rien à vendre en ce moment..." , lâche le directeur Richard Zaugg.
Des chutes de neige tardives et insuffisantes
En montagne, on ne cache pas son dépit. D'abord au pied des pistes où les préparateurs, emmenés par Joël Cretin, rongent leur frein en attendant de pouvoir prendre les commandes de leurs dameuses. "Faut pas croire que c'est de la mauvaise volonté mais on ne peut commencer le damage avant d'obtenir une couche de 60 à 70 centimètres de neige" , précise le chef d'exploitation du massif de la Dôle. Nos terrains sont trop accidentés et pierreux pour pouvoir préparer et surtout ouvrir les pistes avec la neige tombée samedi." Le staff de Télé-Dôle espère entendre vrombir les moteurs des dameuses cette semaine.
A ce titre, même si leur patience a aussi longtemps été mise à rude épreuve, les collègues français de la Sogestar, société de gestion de la station des Rousses, ont ouvert les pistes dès samedi. Et ils ont même eu droit à la visite des caméras de France 2 pour un reportage dans le journal de 20 heures. Logique, selon Joël Cretin qui observe cela avec un certain fatalisme. "Aux Rousses, ils ont investi en masse pour remodeler les pistes." Et cela paie, car, sans parler de l'enneigement mécanique, les dameuses peuvent rouler dès que le ciel a lâché 30 à 40 centimètres d'or blanc. A la Dôle, on attend toujours le remodelage des pistes, bloqué dans son financement depuis l'échec du plan des investissements régionaux (PIR).
Perte de change inévitable
"Les mauvaises nouvelles ne cessent de s'accumuler , se désole Stéphane Natalini. La fin du soutien de la BNS à l'euro nous donne un coup d'assommoir monumental durant un hiver qui s'annonce déjà catastrophique dans ses résultats."
La perte de Télé-Dôle liée au taux de change est inévitable. "Certes, nous avons une bonne clientèle régionale mais il faut reconnaître que la Dôle vit surtout grâce aux vacanciers français qui représentent près de deux tiers de nos clients" , constate Stéphane Natalini. Non seulement, ceux-ci hésiteront davantage à goûter aux pistes suisses, mais les Suisses pourraient même être tentés de chausser leurs lattes au télésiège du Balancier (F) au lieu de celui des Dappes (CH) en y acquérant un forfait franco-suisse à 34 euros contre 31 francs l'abonnement suisse à la journée. Télé-Dôle touche certes une redevance sur ces forfaits transfrontaliers mais pas autant que si le produit est vendu sur sol suisse.
Il y a quatre ans, afin d'atténuer la différence entre les deux domaines, Sogestar avait accepté, à la demande des voisins suisses de réviser ses tarifs à la hausse. Pas sûr que l'opération puisse être reconduite cette fois. Du côté des Portes du Soleil, autre domaine à cheval sur la frontière, les remontées mécaniques suisses ont déjà annoncé une révision à la baisse de leur grille de prix depuis le décrochage de l'euro jeudi.
Sur notre sommet jurassien, il n'y a plus de marge de manoeuvre pour se permettre une telle opération. "Nous sommes déjà à court de liquidités, nous frôlons la cessation de paiement" , confesse Stéphane Natalini. Pour parer au plus pressé, les dirigeants de Télé-Dôle ont déjà entamé des discussions avec les communes territoriales pour solliciter de l'aide immédiate, notamment sous forme de conventions de prêts. Mais Stéphane Natalini, ancien syndic de Saint-Cergue, sait bien qu'il ne peut sans cesse aller quêter auprès des collectivités locales.
Vente ou dépôt de bilan pas exclus
"C'est terrible, car depuis quatre ans nous avons abattu un boulot considérable. On ne manque pas de business plan, d'idées marketing et de plan de mouvement de terrain, mais on n'a pas le premier franc pour concrétiser" , se lasse le président de Télé-Dôle qui voit trois scénarios se dessiner: une recapitalisation massive qui permettrait d'assainir les finances et réaliser les aménagements (parking, accueil, WC) nécessaires; une cession des installations à un repreneur intéressé - et les regards se tournent vers la Sogestar - ou le dépôt de bilan. "La seule lumière que je vois dans ce tableau si sombre, c'est le soutien indéfectible que l'on a reçu jusque-là de la part des communes de la région." Maigre consolation.