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La sexualité, un droit fondamental

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Sexo-pédagogue spécialisée, la Nyonnaise Catherine Agthe Diserens oeuvre pour le bien-être des personnes handicapées.

Catherine Agthe Diserens refuse qu'on lui colle l'étiquette de pasionaria et pourtant, en Suisse romande, la sexo-pédagogue spécialisée aura contribué à faire avancer la cause des personnes vivant avec un handicap physique ou mental. Elle s'est forgée, au fil du temps, une spécialisation dans le domaine de l'identité affective, intime et sexuelle des personnes en situation de handicap. D'abord éducatrice spécialisée, elle a travaillé durant douze ans dans des institutions concernées par les handicaps physiques et mentaux. Elle a connu, à ses débuts, un contexte bien différent de celui d'aujourd'hui: "J'ai pris conscience que ces personnes recevaient de bons repas, disposaient de jolies chambres, profitaient de sympathiques loisirs. Mais personne ne répondait à leurs demandes et manifestations affectives, intimes, et sexuelles. Leur identité était assimilée à leur handicap. C'est ce qui m'a motivée à me former en santé sexuelle."

Une journée dédiée aux femmes

La Nyonnaise a créé, à partir de ce bagage théorique de sexologue, une expertise dans le champ des handicaps. Aujourd'hui elle est une référence en la matière: sexo-pédagogue spécialisée, également formatrice pour adultes - un de ses ouvrages a obtenu le Prix suisse 2001 de pédagogie curative et spécialisée - Catherine Agthe Diserens sillonne la Suisse, la France et la Belgique, notamment, pour transmettre son savoir. Elle a notamment fait connaître (bien après les pays nordiques, la Hollande et l'Allemagne) le concept d'assistance sexuelle en Suisse romande. Par le biais de l'association Sexualité et Handicaps Pluriels (SEHP), dont elle est la présidente, deux premières formations romandes en assistance sexuelle ont ainsi pu voir le jour: en 2009 pour des participants issus pour la plupart du milieu social, puis en 2014 uniquement à l'attention des travailleuses du sexe.

Le club service féminin InnerWheel de La Côte ayant récemment fait un généreux don à l'association SEHP, cette dernière a décidé de mettre sur pied une journée dédiée exclusivement à des femmes vivant avec un handicap physique.

Réunissant une trentaine de participantes, elle aura lieu ce samedi à la Cité Radieuse, à Echichens, et s'inscrit dans le cadre de la Journée internationale du droit des femmes. "L'objectif est de leur offrir un espace de paroles avec une originalité à la clé: les groupes seront animés par des femmes elles-mêmes concernées par un handicap physique, toutes formées à ces questions délicates. Une des formatrices, sexologue, animera par exemple une démonstration de sex-toys" , explique Catherine Agthe Diserens. Des ateliers-thématiques aborderont, sans tabou, les questions liées à l'identité féminine en dépit du handicap, de la difficulté de séduire au manque d'opportunité de rencontrer un ou une partenaire, en passant par le désir, la sensualité, la sexualité, voire un questionnement de la maternité, lorsque le corps est entravé, et l'assistance sexuelle. Des thèmes considérés sous l'angle d'un corps qui ne répond pas aux canons en vigueur, parce qu'il est dysmorphique, stigmatisé.

"Comment puis-je me sentir femme tout en composant avec mon handicap?", telle est la question centrale, fondamentale, selon Catherine Agthe Diserens. "Les réponses vont être très plurielles, elles peuvent être inhabituelles, voire parfois atypiques."

Le regard de la société sur le handicap a évolué

La thérapeute rappelle à quel point notre société a évolué en la matière: «Nous sommes passés du temps où les personnes handicapées n’étaient pas considérées comme des êtres sexués, au temps où elles ont revendiqué de ne plus être réduites à leur seule identité handicapée, à aujourd’hui où la société compose avec la situation de handicap et non plus avec les seules déficiences de la personne concernée.»

La Nyonnaise ajoute que l’évolution de la société, plus ouverte à l’égard des diverses identités sexuelles (homosexualités, transsexualité, bisexualité, asexualité, etc…) permet, dans la foulée, davantage de liberté à la personne en situation de handicap. «Aujourd’hui tant de modèles différents coexistent, en conséquence la cause du handicap en lien avec la sexualité est, en principe, mieux comprise et acceptée! Des réponses individuelles et adaptées ont vu le jour. Entre tout et rien (référence à son dernier ouvrage «Sexualité et handicaps, entre tout et rien», ndlr), foule de possibles existent. Nous ne pouvons plus… ne pas répondre!», affirme-t-elle.

Et de préciser que la Suisse est un des pays où ces domaines sensibles se sont largement développés, même si bien sûr des lacunes restent aussi à combler. Deux seuls exemples parmi tant d’autres: l’association SEHP a formé des assistants sexuels à l’hétérosexualité comme aux homosexualités, et il existe des sex-toys adaptés à certaines difficultés motrices.

Une société de la performance

Ces approches nécessaires pour un peu plus d’épanouissement sensuel ou sexuel ne vont pas toujours de soi, notamment pour les tiers accompagnants (professionnels, parents). Et Catherine Agthe Diserens de citer l’exemple d’un jeune homme myopathe qui, au vu de l’évolution de sa maladie, n’a plus la force de se masturber et a demandé l’utilisation d’un vibromasseur masculin. Gadget-suppléance, qu’un soignant devra installer avec respect de son intimité, sans regard jugeant.

«La sexualité fait partie des droits fondamentaux de toutes et de tous, que l’on vive ou non avec un handicap», explique la thérapeute nyonnaise. Toutefois dans une société qui valorise l’excellence et la performance dans tous les domaines, et surtout dans l’apparence physique… le handicap peut apparaître comme davantage prétérité.

Une femme dont le corps est très spastique peut subir un regard doublement jugeant: celui sur son handicap et celui de ne pas paraître assez féminine. «La publicité, les films, les produits renvoient comme un miroir déformant à la femme dont le corps ne correspond pas aux canons en vigueur. Le jour où un modèle de femme handicapée sera photographiée pour vendre de la lingerie féminine affriolante ou un visage de femme aveugle pour la promotion d’un shampoing, alors je pense que la société aura fait un énorme bond.»  

Une confrontation libératrice

Catherine Agthe Diserens confie que la confrontation à la sexualité de la personne handicapée a aussi quelque chose de libérateur. Un constat un brin paradoxal, au vu de la tendance à considérer le handicap comme une entrave. «Au fond, le handicap n’empêche pas la rencontre amoureuse et le bien-être sexuel. La personne handicapée est très créative dans sa sexualité, stimulée de la réinventer en permanence, pour contourner les obstacles. Elle nous permet de réaliser que la sexualité est plurielle et qu’il n’est pas nécessaire de s’arrêter à un modèle conformiste. Un constat qui peut donner un sentiment de liberté également aux personnes valides: ne restreignons pas la sexualité au couple hétérosexuel et à la procréation, encore et toujours cette voie royale. Ce modèle exclut un certain nombre de personnes, surtout celles qui sont moins autonomes. Dans les structures d’accueil je constate que de plus en plus de femmes et d’hommes se lancent à oser demander des réponses innovantes, improvisent, expérimentent d’autres plaisirs et s’offrent des libertés affectives, sensuelles et sexuelles… nouvelles!».

Si les femmes apprécient l’initiative d’avoir mis sur pied une journée dédiée à la thématique femme et sexualité, les hommes, de leur côté, en éprouvent quelque envie. Un résident, croisé au hasard des couloirs de la Cité Radieuse, confiait se réjouir qu’une telle journée soit aussi organisée à l’intention du sexe fort.

«A quand les soirées slow-dating, plutôt que speed», interroge Catherine Agthe Diserens.


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