Un travail minutieux est nécessaire pour panser les plaies dues à la grêle.
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Jacques Mugnier, vigneron et producteur de fruits, a vu les deux tiers de sa production anéantie par la grêle qui s'est abattue sur la région le 20 juin 2013. Sa vigne a même subi des dégâts à hauteur de 85%. Pour lui, l'automne dernier a eu un goût amer. " C'était difficile de voir les collègues vendanger. Chez nous, il n'y en a pas eu. Du coup, je suis parti en vacances, pour ne pas être trop démoralisé. Mais il est vrai qu'il y a des choses bien plus terribles qui se passent sur cette planète. Il faut aller de l'avant et oublier l'année 2013 ", philosophe le vigneron.
Avec l'arrivée des beaux jours, il est temps de démarrer les soins à la vigne. La taille est la première étape. " Cette année, ce travail revêt une importance capitale. Si j'arrive à obtenir un rendement à 50% je serai déjà très content. Mais je n'y crois pas trop, car les dégâts sont énormes. Cela dépendra des conditions climatiques du printemps, lors de la floraison" .
Cette taille très spéciale consiste à revenir sur des bases de sarments qui ne soient pas nécrosées par les coups de grêle. Les repousses n'ont pas le potentiel fructifère d'un bois normal de l'année.
Le temps permettra à la vigne de se remettre
" On a un beau bois qui a été cassé. Il devait produire des grappes, mais comme il a été cassé, la vigne a fait repousser des petits avortons appelés "yeux latents", explique le professionnel. Ce ne sont pas des bourgeons aussi fructifères que ceux qui sont sur la branche. Le travail de taille consiste à supprimer ces yeux latents. Mais on ne peut pas tout sectionner non plus. Le but est d'avoir cette année un renouvellement des bois. Car comme la vigne est une herbe, lorsque la tige est blessée par un grêlon, elle ne cicatrise pas comme on peut le voir sur la branche d'un arbre où l'écorce se reforme. La blessure restera toujours. Il faudra aussi être très attentif lors de l'ébourgeonnage au mois de mai. C'est un travail encore plus important que la taille. C'est à ce moment là que l'on va sélectionner les bois pour l'année suivante ". Le vigneron estime qu'il faudra deux à trois ans pour retrouver une récolte normale.
Du côté des arbres fruitiers, les fruits à noyaux tels qu'abricots, pêches, cerises, mirabelles ont aussi beaucoup souffert. " Ce sont des arbres relativement sensibles aux blessures du bois. Les branches sont affaiblies par les nécroses et risquent de se rompre sous le poids du fruit. Le bois a tellement été touché, qu'il y a des bourgeons qui ont été atteints. Certains abricotiers et pêchers ont dû être arrachés. La récolte sera au-dessous de la moyenne ".
Suisse grêle, la mutuelle qui prend en charge ce type de dégâts, assure aussi en partie la perte de revenu sur les récoltes de l'année qui suit le sinistre. Mais il est clair que, comme toute assurance, elle ne couvre pas le 100% du manque à gagner. " L'année dernière, nous avons eu du grésil en février. Je me suis dit "si ça commence déjà en février, ça sera une année spéciale où il y aura de la grêle. Il faut que j'assure comme il faut mes productions". Et c'est ce que j'ai fait. Sur ce coup là, j'ai vraiment eu fin nez " évoque avec soulagement le vigneron. Un nouveau diction est peut-être né? "Grésil en février, grêle en été". Jacques Mugnier, comme tous les producteurs victimes de cet épisode météorologique dramatique, n'est pas prêt d'oublier l'été 2013...