Icône de la mode en France et dans le monde entier, Satya Oblette s'est installé sur La Côte.
Satya Oblette, c'est d'abord un physique atypique et éblouissant: Indien à la peau mate, le mannequin de 39 ans porte un bouc peroxydé et des cheveux blonds platine à l'avenant. Un look qu'il s'est créé en voulant ressembler à un Indien d'une septantaine d'années, cheveux grisonnants et barbe de trois jours, croisé dans les rues de Paris. "Il avait cette aura des vieillards que je croisais en Inde. Il dégageait quelque chose de tellement paisible au milieu de cette foule parisienne hystérique" , explique-t-il. Une semaine après sa transformation physique, Jean-Paul Gaultier l'engageait pour son premier défilé haute couture.
On aurait tort de le réduire à sa seule apparence physique, même s'il en a usé et a fini par s'identifier à son image d'Indien blond. Il a su en jouer certes, d'abord pour se faire une place dans le petit monde du mannequinat, puis il l'a mise au service de diverses associations caritatives. "L'humanitaire est un trait d'union entre ce milieu à part qu'est la mode et mes origines indiennes. Ma mère faisait partie de la caste des intouchables, c'était une paria. J'étais destiné à mendier dans les rues. Ma vie, mon karma en ont décidé autrement, des parents formidables m'ont adopté. J'ai envie de redonner aux autres ce dont je bénéficie" , confie-t-il.
Et pourtant, son adoption s'est déroulée dans des circonstances tragiques qui ne lui ont été révélées qu'à l'âge de 28 ans.
Fils de qui?
Sa mère biologique cumulait l'infamie d'être une intouchable et une femme adultère. Son mari mit un contrat sur la tête de l'amant qu'il fit assassiner. Le mari trompé passera six mois en prison. Son épouse, craignant pour sa vie et celle de son bébé, le petit Satya, s'enfuit de Pondychéry et le fit adopter. "Je ne sais toujours pas si je suis le fils d'un assassin ou d'un assassiné", confie-t-il. Un passé douloureux. Mais pour l'heure, le mannequin a décidé de mettre de côté ces questions sans réponse, jusqu'au jour où il aura les moyens et la force d'aller en quête de la vérité sur ses origines. Paradoxalement, même si ses parents lui ont dissimulé longtemps une partie de son histoire, ils lui ont également donné un prénom qui le prédestine à aboutir dans sa quête: Satya signifie "la vérité" en tamoul.
"Un vrai paysan"
Franc, sincère et authentique, le mannequin n'esquive aucune question, n'hésitant pas à partager un pan de son intimité ou alors ses récents coups de gueule. En Suisse, il recherche la tranquillité. S'il adore les conversations à bâtons rompus aussi bien avec la patronne d'un bistrot qu'avec la caissière à la Migros, Satya Oblette est prêt à en découdre si on lui cherche des noises et qu'on ne le respecte pas, ni lui ni son intimité. Et de pester contre cette horde de jeunes filles qui, un dimanche matin, alors qu'il prenait son café dans son jardin, l'ont observé "comme un singe au zoo" depuis l'immeuble voisin.
Et s'il a quitté Paris, c'est qu'il commençait "à devenir aussi con que les Parisiens eux-mêmes. J'étais en train de perdre l'éducation et les valeurs que mes parents m'ont inculquées. Même mes amis me disaient que je devenais désagréable et que je devais partir. A un certain moment dans votre vie, vous avez besoin de choses apaisantes et plus de choses futiles. J'ai éprouvé ce besoin d'un retour aux sources, aux choses qui m'ont marqué enfant, en Inde, en Afrique, puis dans le Massif central" .
En Suisse, il recherche une certaine forme d'authenticité et de proximité avec des gens vrais - les artisans, les patronnes de troquets, les gens de la terre - et il tend à un retour à la nature dont il a besoin pour son équilibre: "Je ne me suis jamais senti citadin dans l'âme. Quand j'étais adolescent, j'étais un vrai paysan, je conduisais le tracteur, fanais le foin, ensilais" . Dans sa jolie maison, aujourd'hui, il s'occupe de son potager, tond la pelouse et, il y a peu, mangeait les oeufs frais pondus par ses poules. Le renard est passé par là...
A l'image de son autobiographie, son installation en Suisse marque à ses yeux une nouvelle étape dans sa vie: "Je suis venu ici pour me retrouver, me stabiliser, trouver une certaine forme de paix, commencer une nouvelle vie, tourner une nouvelle page en étant un peu plus vierge."