La Suisse compte de nombreux clubs. Et dans la région, ils sont légion. Pourtant, ce sport peine à trouver la relève et à partager ses infrastructures.
Le tir fait partie intégrante de la culture suisse; comme s'il était ancré dans les gènes de bon nombre de citoyens. Pourtant, de ce côté-ci de la Sarine, il peine à s'imposer. L'équipe suisse élite ne compte dans ses rangs que deux Romands: le Jurassien Olivier Schaffter et le Fribourgeois Claude-Alain Delay.
Nous avons rencontré deux passionnés de tir de la région, tous deux présidents d'une société, l'un à Nyon, l'autre à Gingins. Tous deux ne comptent pas leurs heures pour tenter de transmettre la flamme qui les anime.
Marinette Varidel, présidente de la société Tir sportif de Gingins, a été la première femme à remporter le titre de Championne suisse de tir à 300 mètres. Quant à Werner Mader, il se dévoue corps et âme depuis plus de trente ans au Pistolet Nyon.
En partant sur les traces de ces amoureux de la gâchette, un parfait néophyte pourrait penser que tous les tireurs rejoignent un club en fonction de leur lieu de résidence et de leur amitié avec l'un ou l'autre membre. Mais il n'en est rien! Il y a tir et tir! Il semble que la munition est facteur de ségrégation. Le petit calibre et le tir à 300 m ne sont pas appréciés de la même façon. En fait, plus les balles sont grosses, plus le tir semble "respectable". Pourtant, tous affirment trouver dans la pratique de ce sport, calme, sérénité, amitié, convivialité... Tous aussi ont l'impression, en tous les cas de ce côté-ci de la Sarine, d'être des laissés-pour-compte par les ins tances sportives de la région, par les médias, par les politiques... Et, bien qu'ils s'en défendent, tous, malgré leurs besoins, refusent de s'unir, de partager leurs entraîneurs ou leurs installations.
Ainsi, le Tir sportif de Gingins et environs continue bon an mal an de former la relève et ce depuis une quarantaine d'années. " Dans notre stand, nous pratiquons le tir à 50 mètres. Juste à côté, il y a le tir à 300 m. Mais ce n'est ni le même club, ni le même local, prévient-elle . Actuellement, la société accueille seize juniors, douze membres licenciés et huit membres passifs, soit en tout une petite quarantaine de personnes. Lorsque nous avons décidé de moderniser le stand, en installant des cibles électroniques, cela nous a coûté très cher. Le Pistolet Nyon, qui s'entraîne au sous-sol de l'école des Tattes d'Oies, aurait bien voulu continuer à profiter de nos installations. Mais lorsque nous leur avons demandé de participer aux coûts et payer deux cibles sur huit, ils ont refusé. Donc nous avons résilié leur bail. Il s'est produit la même chose avec une société de tir de Gingins qui aujourd'hui, n'existe plus".
"Notre dossier doit traîner au fond d'un tiroir..."
Werner Mader, président du Pistolet Nyon, attend depuis 2000, soit depuis que le stand du Boiron a fermé, de trouver de nouveaux locaux. Si le tir à 10 m et à 25 m peut aisément se pratiquer dans le sous-sol nyonnais, le tir à 50 m l'oblige à "émigrer" à E chandens. Au niveau des effectifs, son club affiche une relative stabilité, avec une dizaine de jeunes inscrits, sa participation au sport scolaire facultatif n'étant pas étrangère à cet intérêt. " Outre-Sarine, les politiciens s'intéressent beaucoup plus à ce sport. Il n'y a pas un village qui n'ait pas au moins un municipal membre d'une société. Les choses avancent plus vite. Chez nous, le Conseil régional se fiche complètement de nous. Notre dossier doit traîner tout au fond d'un tiroir, relève-t-il avec amertume. Je sais que beaucoup ne considèrent pas le tir comme un sport. Et pourtant, il demande maîtrise de soi, calme et discipline. Les entraînements sont nombreux et intenses. Et n'oublions pas que c'est une discipline olympique!" Depuis 1977, la moitié du bénéfice des soirées de loto organisées par le club est mis de côté, au cas où une opportunité pour construire se présenterait. Mais rien ne se profile à l'horizon. Après avoir échoué dans son approche ginginoise, le Pistolet Nyon a voulu s'associer avec la société de tir de La Rippe. Mais, là aussi, ce fut un échec. " Le terrain que nous visions, à côté du stand de tir actuel, a été déclassé en zone agricole. Impossible de s'y installer", regrette Werner Mader. A Nyon, un dossier avait été déposé, visant à installer des lignes de tir sous l'autoroute à l'Asse. Là aussi, l'échec était au bout de la ligne à cause de la construction de la déchetterie qui a occupé les lieux. Depuis, le président attend.
" Les jeunes viennent au club jusqu'à 20-21 ans. Parfois, pour des raisons professionnelles ou scolaires, mais souvent parce qu'ils rencontrent une fille et que celle-ci n'aime pas le tir, ils quittent la société. Pourtant, certains d'entre eux font de très bons résultats, déplore le président . A Gingins, le problème est le même. " Il va de soi que la formation professionnelle prime sur le tir , admet Marinette Varidel. C'est dommage, car certains vont très bien. Lors du Tir fédéral des jeunes, Gingins a fini 9 e avec 188 points sur 200. C'est un très bon résultat. Tous ont réussi la médaille. En 2013, le club a même été sacré Champion vaudois ". En septembre, ils participeront au tir cantonal vaudois à L'Isle.
DOMINIQUE SUTER (suter@lacote.ch)