Marc Deblue transmet les clés de son commerce. Portrait.
Clap de fin pour la boucherie "Deblue". Après avoir passé 45 ans derrière son étal du 22, rue de la Gare, le Nyonnais Marc Deblue, 65 ans, a décidé de prendre sa retraite. Samedi, il a ainsi officiellement transmis les clés de son commerce à Alexandre Bally, son ancien apprenti (lire encadré) . La veille, ce gaillard, costaud, réservé mais souriant, nous recevait dans son arrière-boutique. Assis sur un tabouret, les poings solidement appuyés sur ses genoux, il nous a raconté les moments marquants de son parcours professionnel.
Boucher de père en fils
Pour Marc Deblue, devenir boucher-charcutier était une évidence. Son père l'était déjà, dans les années 40, à Zurich. Avant de faire ses valises pour Nyon et d'y ouvrir sa propre boucherie, à la rue de la Gare. A l'âge de 15 ans, c'est donc sans hésiter que le jeune Marc se lance dans l'apprentissage du métier. " Je suis parti à Couvet, dans le canton de Neuchâtel. Parce qu'il y avait là-bas un excellent formateur ", explique-t-il.
Trois ans plus tard, il obtient son diplôme. Mais range aussitôt ses couteaux pour aller servir sous les drapeaux. Il les ressortira en 1969, année de son retour à Nyon et de ses débuts au sein de la boucherie familiale. Il épousera aussi Josette, avec qui il aura deux enfants, Marion et Vincent.
Le jeune retraité se souvient. " A cette époque, entre le haut de la ville et Rive, il y avait une quinzaine de boucheries. Elles n'étaient pas de trop. Car les gens se déplaçaient moins volontiers pour faire leurs achats. Ils n'allaient pas souvent en France voisine pour acheter leur viande. " Aujourd'hui, ils ne sont plus que quatre bouchers à Nyon.
Autre évolution qui a frappé Marc Deblue au cours de ses cinquante années de métier: la modification des habitudes de consommation des clients. " Avant, les familles étaient plus nombreuses et avaient plus de temps pour cuisiner. Nous vendions donc beaucoup plus de morceaux pour des rôtis, des bouillis et des gigots. Aujourd'hui, les clients n'achètent plus ce type de morceaux que pour de grandes occasions ", analyse-t-il. Il a donc fallu s'adapter. En investissant plus dans les terrines, les pâtés et les saucisses. " Et nous cuisons désormais certains morceaux à l'avance. "
La passion du rugby
A l'aube des années 1990, Marc Deblue prend les rênes de l'enseigne familiale. Son épouse le seconde dans les tâches administratives. Les horaires sont chargés. " On commençait à 5h30 du matin et on finissait à 19h. Parfois beaucoup plus tard lorsque nous préparions le service traiteur. " Mais il trouvera toujours le temps de s'adonner à son sport favori: le rugby. Il fut d'ailleurs l'un des fondateurs du Nyon Rugby Club, en 1972. " Et j'en ai été le président durant dix-neuf ans ", indique-t-il.
Lorsqu'on lui demande ce qu'il a le plus apprécié dans son métier, il répond tout de go: " Le contact avec la clientèle et la diversité ". Du choix de la bête à la vente derrière le comptoir, Marc Deblue a toujours suivi de près les différentes étapes de la chaîne. " J'allais voir moi-même les paysans pour choisir le bétail ", affirme-t-il.
Ce goût du métier, a-t-il tenté de le transmettre à ses deux enfants? " Non ", répond-il, " il ne faut jamais rien forcer ". Sa fille a tout de même choisi un métier de bouche. Elle a repris l'Hôtel des Alpes et le restaurant Le Perdtemps, à Nyon. Son fils, lui, a opté pour une tout autre direction: il est devenu scénographe. " Il s'est formé à Berlin. Et, aujourd'hui, il parcourt le monde ", dit fièrement son père.
Voyager, c'est aussi ce que fera Marc Deblue pour occuper sa retraite. Sans oublier de pouponner son petit-fils, âgé de deux ans. C'est en toute sérénité qu'il passe la main: "J e ne suis pas du tout inquiet pour la suite! "