Dans son one man show, Pierre-Emmanuel Barré tire à vue sur la bêtise.
"Pierre-Emmanuel Barré est un sale con"
Théâtre de Marens, Nyon
Sa 15 novembre, 20h30 (portes à 19h)
www.a3a.ch
info@lacote.ch
Créé en 2011, le spectacle de Pierre-Emmanuel Barré revient en Suisse colporter son style cinglant et décapant. Héritier de Pierre Desproges ou des Anglais Monty Python, ce Breton de 29 ans cultive l'art du décalage caustique. Pour lui, les sujets graves doivent être traités avec dérision et relâchement, car seul un peu de cruauté dans l'absurde nous libérera de la bien-pensance. Il est l'un des rares, actuellement, depuis que Dieudonné a définitivement sombré dans l'obsession antisioniste, à produire un humour noir aussi gênant qu'éclairé. Rien de gratuit, de faussement irrévérencieux dans "Pierre-Emmanuel Barré est un sale con", titre de son spectacle sociétal, qui épingle les tabous et tire à boulets verbaux sur plus ou moins tout le monde, sans distinction de sexe, de confession ou de handicap. Né en 1984 à Quimperlé, cet ex-étudiant en biologie est passé par le Cours Florent, le théâtre classique, avant d'éclore à la chronique d'actualité sur France Inter ("On va tous y passer"), et de rejoindre en 2013 "La Nouvelle Edition" sur Canal+. Coup de fil.
Pierre-Emmanuel Barré, sur l'affiche de votre spectacle, vous apparaissez avec une tronçonneuse à la main, sur une plage, avec des enfants à l'arrière-plan. Est-ce pour vous une représentation idéale de l'humour noir que vous pratiquez?
Je voulais un visuel et un titre qui avertissent les gens du caractère décalé, cru et absurde de mon spectacle. Car c'est toujours dur de se retrouver avec un public non prévenu dans la salle. Après, je trouvais que le décalage était sympa et assez esthétique.
En quelques mots, de quoi est fait votre spectacle?
D'un peu de tout, mais par rapport à mes chroniques sur France Inter ou Canal+ c'est moins politique et plus social. Ça reste de l'humour d'observation assez noir. J'explore des situations absurdes et tâche de me défaire d'une actualité trop brûlante. Je cherche une dimension atemporelle du rire.
Justement, vous tournez depuis trois ans avec "Pierre-Emmanuel Barré est un sale con", comment votre spectacle a-t-il évolué?
Je retravaille régulièrement la forme, souvent à chaud après les représentations, lorsque je vois qu'il y a des passages où les gens s'emmerdent... Par exemple, quand c'est gênant avant d'être drôle, ou que c'est trop cru. Dans l'écriture, il m'arrive de plancher longtemps sur une simple blague afin de la rendre recevable.
N'est-ce pas compromettant de se soumettre pareillement à la réaction du public?
En fait, je mets un ordre de priorité dans l'écriture: il faut que ce soit d'abord drôle, puis intelligent et ensuite gênant. Pour le savoir, il faut tester ce que l'on fait auprès du public. C'est ce que j'ai fait au début, dans les petites salles parisiennes... Evoquer un sujet en étant intelligent sans être drôle, c'est risquer d'apparaître moralisateur. Du coup, le message passe moins bien.
Depuis la Suisse, la France semble parfois être un pays où il est de plus en plus difficile de rire de tout. Quel regard portez-vous sur la situation?
J'ai eu quelques petits soucis, notamment avec certaines associations. Je comprends qu'on puisse trouver un truc pas drôle... Mais engager un avocat pour attaquer un humoriste, il faut vraiment avoir une vie de merde pour faire ça (rires) ! Pour moi, le plus important, quelque que soit le sujet, c'est d'être drôle.
Vous n'hésitez pas à vous positionner fortement sur certains sujets...
L'humour sans idéologie n'est pas drôle. Je préfère un mec avec qui je ne suis pas du tout d'accord, mais qui fait un spectacle engagé, plutôt que d'aller voir un spectacle sur les files d'attente à la pharmacie. J'aime que ce soit un peu cru et vrai car, après tout, c'est comme ça que les choses se passent.