Le pilote nyonnais entame ces jours sa grande aventure avec Solar Impulse.
rhaener@lacote.ch
Il est Nyonnais, courageux, et la planète entière va suivre sa prochaine épopée. Lui, c'est André Borschberg, aviateur qui, avec Bertrand Piccard, pilotera Solar Impulse pour un tour du monde en avion solaire qui débutera le 1 er mars. L'aventurier s'est également engagé à relater son périple chaque semaine dans notre journal, pour rester en contact avec sa région. Rencontre.
André Borschberg, que représente cette nouvelle aventure avec Solar Impulse?
Ce sera avant tout une grande découverte. Le but est de démontrer qu'on peut voler de manière presque perpétuelle sans la moindre énergie fossile. Ainsi ce projet va-t-il plus loin qu'un simple vol, il doit prouver le potentiel des technologies existantes pour économiser l'énergie. A terme, il s'agira de montrer que ces technologies peuvent servir partout ailleurs, dans l'usage quotidien.
Cet avion, c'est donc un véritable pari sur l'avenir?
Oui. Solar Impulse est le symbole des technologies propres.
Qui génère un engouement remarquable...
Oui, et je suis content aujourd'hui du soutien. Je crois que tout le monde ici a compris en quoi Solar Impulse était une formidable carte de visite pour la Suisse: il montre ce qu'un petit pays de 8 millions d'habitants est capable de faire. Il montre également que nous avons des écoles, dont l'EPFL, à la pointe, et aussi un réseau de PME formidablement innovantes. Donc oui, ce soutien est très important pour nous.
Ça n'a pas toujours été le cas...
C'est vrai, mais c'est l'avantage de ce projet: tout le monde a pu apprendre. Nous d'abord, les pilotes et constructeurs; et ensuite les partenaires. A la fin, tout le monde en ressort gagnant.
Vous allez débuter votre vol le 1er mars à Abou Dhabi. Pourquoi ce lieu?
D'abord, il faut réfléchir en termes météorologiques: Abou Dhabi offre beaucoup d'avantages pour un décollage. Ensuite, pour des raisons de partenariats: Masdar, une ville toujours en construction qui a pour projet de n'avoir aucun impact négatif sur l'environnement en matière d'énergie, est parfaitement en accord avec le projet de Solar Impulse.
C'est de là que vous allez rejoindre la Chine.
Oui, en plusieurs étapes, avec des vols de moins de 24 heures, en passant notamment par l'Inde. Ensuite, il s'agira de traverser l'océan Pacifique, pour un vol qui devrait durer 5 jours, et d'atterrir à Hawaii, sur la côte est des Etats-Unis. Le vol continuera par la traversée du pays, jusqu'à la côte ouest. Puis retour à l'est du pays, avant de traverser l'océan Atlantique. Et de regagner le sud de l'Europe, ou l'Afrique du Nord, pour finalement rejoindre notre point de départ. Le tout en cinq mois.
Il n'y aura pourtant qu'un seul pilote à bord...
Oui, Bertrand Piccard et moi-même nous relayerons.
Qu'est-ce qui vous fait le plus peur?
Disons que la grande difficulté de ce projet, c'est qu'il n'a jamais été fait avant, que nous allons dans l'inconnu. Même si nous nous préparons pour être à la hauteur de l'événement. Mais il faudra être prêt à s'adapter aux situations, à changer de plan de route s'il le faut. Nous savons, par exemple, qu'une prévision météorologique a 5 jours n'est pas toujours des plus fiables. Dès lors, il faudra prendre des décisions.
Est-il des zones que vous ne pourrez pas survoler?
Dans un contexte général, je dois dire que tous les pays font un bon accueil à Solar Impulse. Seulement, il y a des zones militaires et des régions à fort trafic qu'il faudra éviter. Nous ne serons pas les seuls dans le ciel...
Ce n'est donc de loin pas une sinécure qui vous attend?
Non. Il nous faudra rester tout le temps attentifs aux informations, qu'elles proviennent de la météo locale ou de notre équipe au sol. Et surtout ne pas tomber dans le sentiment d'avoir tout compris: ne jamais se dire que maintenant on sait tout faire. Ça reste un avion difficile à opérer, avec une très grande taille. Il est à la fois très solide et très sensible aux turbulences.
Le 8 décembre 2013, vous vous crashiez en hélicoptère en Valais. Savez-vous aujourd'hui ce qui s'est passé?
Oui. C'était vraiment une question de météo, avec un vent trop fort pour les performances de la machine. Je l'avais déjà noté au moment des faits, mais cela a été confirmé. Aujourd'hui, j'ai mes réponses, et cela m'a permis de tirer beaucoup d'enseignements. Qui me seront bien utiles pour l'aventure Solar Impulse.
Vous allez décoller le 1 er mars. Mais dès la semaine prochaine, on risque de ne plus vous voir beaucoup à Nyon...
Effectivement, je pars dimanche (ndlr: le 11 janvier) pour Abou Dhabi. Car il nous reste encore un grand travail de préparation à effectuer. Sans doute pourrais-je rentrer deux ou trois jours d'ici le début effectif de l'aventure, guère plus. Je suis très attaché à mon pays, ma région, mais il est vrai que je voyage beaucoup. Cependant, quand je reviens, j'adore me ressourcer ici, et retrouver mon bon vieux marché de Nyon le samedi matin.