Derrière Bertrand Piccard et André Borschberg, environ 25 spécialistes oeuvrent à la réussite de la mission. Dont trois anciens contrôleurs aériens du district de Nyon. Rencontre.
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Le projet est avant-gardiste et les retombées médiatiques mondiales. Oui, Solar Impulse est une aventure technologique formidable, portée par deux fortes personnalités, Bertrand Piccard et le Nyonnais André Borschberg, aux commandes de l'avion. Mais des personnalités fortes, on en trouve aussi dans les coulisses de l'exploit. Ainsi Niklaus Gerber, de Coppet, Yves-André Fasel, de Crans, et Martin Bryner, municipal à Longirod. Ces trois contrôleurs du ciel ayant travaillé pour SkyGuide et aujourd'hui à la retraite ont tous intégré l'équipe Solar Impulse, et plus précisément le Mission Control Center (MCC), basé à Monaco. "Nous avons une semaine de vacances, explique le Team-leader Niklaus Gerber, qui était déjà là au début de l'aventure en 2003. Enfin, disons plutôt une semaine en famille, car il y a toujours un peu de travail. Et nous repartons pour Monaco demain (ndlr: mercredi 29 avril) car le MCC rouvre jeudi."
C'est que du travail, il n'en manque pas pour les trois hommes, dont l'une des missions est d'organiser les vols. "En fonction de la météo et des simulations de vol, nous devons tracer la meilleure route possible. Une fois ceci fait, il nous faut prendre contact avec les services aériens des pays concernés" , détaille encore Niklaus Gerber. Solar Impulse est-il malgré tout bien accueilli à l'étranger? Yves-André Fasel se lance: "Au niveau militaire, on ne fait pas peur à beaucoup de monde. Le souci, c'est qu'on vole sur des couloirs aériens empruntés par les vols de ligne... Seulement, nous volons très lentement. C'est comme si vous alliez sur l'autouroute et rouliez à 10 km/h! Sans compter que l'appareil est en constant mouvement entre 1500 et 8500 mètres d'altitude!" Oui, l'avion n'est pas rapide, on s'en doutait bien, mais, faut-il encore le rappeler, il vole à la seule force de l'énergie du soleil.
Préparer les vols aériens, donc, mais aussi faire le lien avec les différentes salles de contrôle aérien des pays traversés par l'avion suisse. "Il est clair que le fait d'avoir été contrôleurs aériens nous permet de mieux comprendre nos interlocuteurs à l'étranger" , poursuit Yves-André Fasel. Niklaus Gerber rajoute: "Il faut beaucoup de feeling dans cette mission, connaître les impératifs de nos interlocuteurs pour faire au mieux."
Un travail permanent
A Monaco, les trois amis du district de Nyon logent à l'hôtel depuis février, et resteront sur place jusqu'à la fin de la mission, probablement en juin, voire juillet. "Oui, on peut dire que la vie à Monaco est agréable" , détaille Martin Byrner. "Même si on en a un peu marre de manger toujours au restaurant, qu'on aimerait bien cuisiner un plat maison" , rajoute Yves-André Fasel. Mais tout ce beau monde, jusqu'à 25 personnes, n'est pas sur la Côte d'Azur pour le tourisme. Les journées de travail sont longues. "En fait, nos heures de travail sont calquées sur les fuseaux horaires des pays survolés, mentionne Niklaus Gerber. Il nous arrive donc de vivre un jet-lag sans même voyager!"
Un peu de légèreté
Et pendant les vols, parlent-ils eux-mêmes à André Borschberg ou Bertrand Piccard? Niklaus Gerber raconte: "Il y a une personne, le Speaker, chargée de communiquer avec les pilotes. Une seule personne. Mais nous sommes dans la même pièce et nous entendons les conversations. Vous savez, un pilote peut être aux commandes jusqu'à 17 heures d'affilées. Et le prochain vol au-dessus du Pacifique, ce sera cinq jours! Il faut donc maintenir une liaison avec lui, le garder en alerte." Et bien sûr, aussi, le distraire. "Oui, nous leur racontons des blagues, comme dans la vie de tous les jours. Et on leur donne les résultats sportifs ou les actualités" , ajoute Yves-André Fasel.
Loin de leur famille donc, mais tous conscients de la chance qui est la leur de participer à une telle aventure. "Je suis le dernier arrivé et j'ai tout fait pour pouvoir avoir une chance d'intégrer Solar Impulse, détaille Martin Bryner. L'an passé , j'ai refusé divers mandats professionnels avec le secret espoir que l'équipe de Solar Impulse m'appelle. Et c'est arrivé!" Les deux autres compères confirment: "Oui, c'est une chance. D'ailleurs, parfois déjà, une sorte de nostalgie nous prend et on se dit alors: "Mais qu'est-ce qu'on fera quand toute cette aventure sera terminée?"
Avant cela, bien sûr, les trois anciens contrôleurs aériens ont encore du pain sur la planche. Prochain objectif, le vol allant de la Chine jusqu'à Hawaï, traversant le Pacifique. De longues nuits de veille en perspective...