Les proches du peintre et verrier travaillent à la reconnaissance de son oeuvre.
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Qui connaît encore aujourd'hui Marcel Poncet? Artiste peintre, mosaïste et verrier suisse, on ne peut pas dire que son travail est tombé dans l'oubli, puisque celui qui a vécu pendant une vingtaine d'années à Vich a relativement peu goûté au succès. Mais son oeuvre sombre et exigeante mérite une mise en lumière; mieux la reconnaissance. Plusieurs démarches sont actuellement menées dans ce sens. Ce dimanche 8 septembre, une journée spéciale autour de l'oeuvre et de l'homme est proposée à Vich, une Fondation portant le nom du peintre sera prochainement constituée et actuellement une petite exposition d'une trentaine de tableaux au Musée historique de Lausanne donne envie d'approfondir l'oeuvre de cet artiste, lorsqu'on louait sa générosité ou ses qualités, pouvait répondre: "Mais je suis aussi un salaud!"
"Poncet appartient à cette espèce d'artistes dont la personnalité est indissociable de l'oeuvre, au risque de prendre, parfois, le pas sur celle-ci," considère Daniel Debessières, écrivain, ami de la famille Poncet et qui s'est intéressé et plongé dans la vie de Marcel Poncet (1894-1953). Un homme qu'il a appris à connaître à travers ses écrits, sa peinture et les souvenirs de ceux qui l'ont connu.
Un homme de caractère
Marcel Poncet était un homme difficile à vivre, âpre, qui aimait jauger les gens, les provoquer, espérant une réaction à sa hauteur, un homme tranchant, capable de méchanceté, mais aussi sachant faire le clown, comme on le découvre dans une vidéo au Musée historique de Lausanne, avec ses enfants. Il y a Gabriel, architecte et ancien député qui a perdu son père alors qu'il n'avait que 13 ans, Antoine, artiste qui vit à Paris et Christophe aujourd'hui décédé. Marcel Poncet était quelqu'un de tourmenté, pouvant d'un moment à l'autre toucher le ciel du bout des doigts pour se précipiter soudainement dans les abîmes de désespoir.
"Son oeuvre n'a rien de régional, un des autoportraits exposés pourrait tout aussi bien être signés Rouault. Et même s'il ne recherchait pas le succès à tout prix, il avait conscience de sa valeur et de sa singularité ", dit Daniel Debessières.
Une souffrance
L'artiste commence sa carrière par une blessure, provoquée par des Lausannois qui lui ont peut-être dérobé sa gloire à laquelle il aspirait sans la chercher vraiment. En 1922, à 28 ans, à la suite du concours qu'il a remporté, le peintre catholique pose un vitrail à la Cathédrale de Lausanne. Emerveillé par son travail, le comité des vitraux lui demande de poursuivre et de proposer un projet pour l'ensemble des fenêtres. Une querelle éclate quand un groupe de citoyens s'insurge auprès du Conseil d'Etat exigeant qu'on lui retire le projet, estimant sa proposition trop moderne pour un tel lieu. Bien qu'un soutien se constitue autour de Poncet, ce dernier est définitivement écarté. Cette polémique l'affecte profondément et durablement.
Au bonheur de "Saint-Christophe"
Dès 1923, Marcel Poncet, avec sa jeune épouse Anne-Marie, s'installe à "Saint-Christophe", une splendide propriété sur les hauts de Vich, en bordure du Bois de Chênes qui appartient toujours à la famille. Cette maison, léguée par sa marraine, offre peu de confort. Il partagera sa vie, entre Vich, et des appartements à Lausanne et à Paris.
Le domaine de Saint-Christophe est central dans la vie et l'oeuvre de Poncet. C'est là qu'il a créé dans une pièce vitrée, devenue salon aujourd'hui, c'est ici qu'il reçoit. René Auberjonois, Ramuz, Cingria mais aussi Ida Chagall (fille du peintre). Dès 1933, il se lie d'amitié avec Louis Soutter qui peindra dans l'atelier de Poncet. Quand Hadrien Poncet, petit-fils de Marcel, et Daniel Debessières fouillent le grenier pour recenser les oeuvres du grand-père, ils tombent sur une huile sur papier de Louis Soutter, aujourd'hui authentifiée et exposée à Lausanne.
A Vich, les étés sont heureux. Freddy Buache, critique et ancien directeur de la Cinémathèque suisse, projette sur la façade d'un atelier, aujourd'hui démoli, le "Cuirassé Potemkine". Marcel est social, il se lie avec les vignerons du coin et les villageois. Il travaille beaucoup, entre des projets de vitraux et des toiles qu'il expose régulièrement au Salon des Tuileries à Paris jusqu'en 1932. Antoine Bourdelle (1861-1929), artiste-peintre et sculpteur de grand renom le prend sous son aile, croit en son talent. En juin 1934, il conçoit et réalise huit vitraux pour le temple de Bassins. En 1935, il en réalise un pour l'abbatiale de Romainmôtier, d'après un carton de Casimir Reymond. Il participe à des concours, expose à l'occasion de manifestations collectives, conçoit les maquettes du vitrail pour le temple de Saint-Jean à Lausanne en 1953. Mais le 18 juin, il est terrassé par une crise cardiaque à l'âge de 59 ans. Son épouse Anne-Marie lui survivra encore 40 ans. Elle ouvrira même une galerie La Rose des Vents à Vich.