Edouard Garo est à la fois musicologue, chef de choeur et pédagogue. Portrait d'un créateur aux multiples facettes.
JEAN-FRANÇOIS VANEY
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"Je suis très flatté. Cette récompense est un peu la cerise sur le gâteau... qui est déjà bien cuit" , répondait avec humour Edouard Garo lors de la remise, l'an dernier, du Mérite artistique de la ville de Nyon "pour l'ensemble de son oeuvre variée et riche, celle d'un humaniste qui donne un sens à l'art qu'il pratique" .
Cette reconnaissance officielle concerne également les travaux de recherche que mène le musicologue depuis huit ans pour conserver et valoriser l'oeuvre du compositeur, organiste et pédagogue Louis Niedermeyer, natif de Nyon au début du XIX e siècle.
Dans cette activité, pour laquelle il s'engage à fond, se retrouvent toutes les compétences et toutes les facettes de la personnalité d'Edouard Garo, musicien nyonnais accompli, retraité de l'enseignement, qui a fêté son 80 e anniversaire le 6 juillet. Chaleureux tout en restant discret, bienveillant, intègre, humble, mais fidèle à ses convictions basées sur une vaste culture et sur une grande expérience, l'homme impressionne par la profondeur du sentiment et par le sérieux de son engagement au service de la musique.
Au commencement était la voix
C'est à la tête de l'Ensemble choral de La Côte, qu'il a créé en 1973 dans la perspective d'élargir la conception de l'art choral et de faire tomber les barrières que les musicographes ont dressées entre les époques, qu'il exprime le meilleur de lui-même. Il enthousiasme ses choristes pour le grand répertoire comme pour ses propres compositions, mettant en musique des drames grecs dans une écriture moderne personnelle issue d'une intuition raisonnée. Son grand opéra "Agamemnon" est encore dans les mémoires de ceux qui l'ont chanté en 1983. Son catalogue d'une cinquantaine d'opus aborde plusieurs genres dans un style libre, affranchi de toute complaisance liée au "beau" tel qu'on le comprend communément.
Engouement pour la basse
C'est aussi avec son choeur du Gymnase de Nyon qu'il crée sa "Petra Cantat", oeuvre complexe conçue spontanément pour la restauration de l'abbaye de Bonmont en 1995. Le solo de basse que comprend l'oeuvre n'est pas sans rappeler l'engouement du compositeur pour ce registre. "A l'âge de 13 ans, j'ai été fasciné par l'air de Sarastro en écoutant la "Flûte enchantée" à l'opéra de Genève où m'emmenait ma soeur aînée" , livre Edouard Garo qui, par la suite, se produisit comme basse solo à plusieurs occasions. Avec la Camerata Vocale, un quintette vocal de musique ancienne et contemporaine qu'il fonda avec des amis en 1967, il se voit décerner le 2 e Grand Prix de la Ville de Paris lors d'un concours international d'exécution musicale. "Ce fut un beau souvenir, mais cela est resté inaperçu ici" , glisse le chef chanteur. Il faut dire qu'une autre passion vient très tôt s'associer au goût du chant: la composition. "Adolescent, je composais déjà et sous l'influence de ce que je découvrais à Genève, à l'âge de 16 ans j'avais le projet d'écrire un opéra sur la Guerre de Sicile selon Thucydide, auteur que j'étudiais au collège dans mes cours de grec ancien."
Pour la pédagogie musicale, il monte au front
Frondeur, voire franc-tireur à la chasse de tout dogme en "isme" érigé en système, comme "conformisme ou sectarisme", Edouard Garo milite au sein de nombreuses associations pédagogiques et politiques pour introduire sa conception de l'enseignement musical rapporté de Hongrie, une approche globale de l'héritage vocal traditionnel transmis par voie orale. Pas toujours compris et en butte à beaucoup d'adversité, il se bat avec des arguments chevillés au corps et introduit diverses techniques d'enseignement comme les percussions "Orff" et le "Solmiplot" qui a obtenu la médaille d'argent du Salon international des inventions et techniques nouvelles à Genève en 1974.
Conférencier hors pair, il est l'auteur de nombreuses publications et ouvrages pédagogiques. Personnage complexe, Edouard Garo, le professeur, le compositeur, le chef de choeur et musicologue qui aime tant à citer Rousseau ou Galilée n'est-il pas, à l'instar d'un Niedermeyer qu'il est déterminé à réhabiliter, le musicien nyonnais à (re)découvrir? Plusieurs de ses oeuvres sont encore en attente, dont "Le Masque", un ballet allégorique pour les temps modernes, ou, encore, un certain "Requiem poétique", pour n'en citer que deux. JEAN-FRANÇOIS VANEY