La Mi-été a résonné des voix des yodleurs. Portrait d'un passionné.
SYLVIE RUFFET
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D'aussi loin qu'il s'en souvienne, Albert Graf a toujours baigné dans le yodel. Ce chant ancestral typique de notre Helvétie qu'entonnait son père à l'écurie, tout en gouvernant le bétail. Une belle étincelle dans les yeux vient éclairer le regard que pose ce virtuose sur ces souvenirs d'enfance.
Avec fierté et émotion, il évoque les sorties dominicales en famille, dans son Appenzell natal. L'ensemble de sa famille se rendait alors au Seealpsee pour aller yodler dans un restaurant qui, en contrepartie, leur offrait le couvert. Ainsi, c'est traditionnellement qu'a été initié ce passionné, élevé au son de ce chant alpin si particulier qui ne s'apprend qu'à l'oreille puisque les partitions n'existent pas.
Concours régionaux
Albert Graf a aujourd'hui participé une cinquantaine de fois aux concours de yodleurs qu'organisent les associations. Lors de ces concours régionaux ou cantonaux, il s'agit de se qualifier pour pouvoir participer à la Fête fédérale de yodleurs qui a lieu tous les trois ans. " Lors de chacun de ces concours, j'ai interprété une nouveauté. Cela n'a pas de sens pour moi de présenter un yodel avec lequel j'ai déjà concouru " précise-t-il. Il n'y a pas de compétition au sens propre, dans le sens où il n'y a pas de gagnant lors de ces rencontres. Il s'agit de classes honorifiques allant de la première (qu'a souvent obtenue Albert Graf) à la quatrième.
Le yodel au Conservatoire
" Pour moi, chanter c'est l'hygiène de l'âme. Ce que j'aime par-dessus tout, c'est transmettre des émotions. Lorsque je chante, si je vois qu'une personne est touchée, versant parfois une larme, alors je suis heureux ", confie le chanteur. Cependant, c'est avec regret qu'il n'y participe plus depuis deux ans. " Je n'adhère pas au mouvement élitiste qui est désormais présent dans le yodel. Je ne peux pas cautionner que l'on apprenne à yodler au Conservatoire alors que nous parlons d'un chant authentique et traditionnel", déplore cet épris de traditions folkloriques.
Datant probablement de l'âge de pierre, ce chant est à la base un moyen de communiquer d'un alpage à l'autre. Le yodel chanté en chorale apparaît au cours du XIX e siècle. Ce qui rend le yodel si particulier, c'est le onzième harmonique. Il s'agit du ton naturel qui correspond au fa du cor des Alpes et qui est chanté généralement à sa hauteur pure, qui est à mi-chemin entre fa dièse et sol. Si ce fa est parfois difficile à écouter pour certaines personnes, c'est qu'il a disparu des sonorités habituelles depuis le XVIII e siècle avec l'arrivée du tempérament inégal (système de division de l'octave). Plus simplement, Albert Graf parle d'une variation de tension des cordes vocales en changeant d'octave.
Entendre chanter cet attachant personnage est un voyage au coeur de nos racines, de nos traditions et de notre folklore. " Restez authentiques, nous avons un beau pays qu'il faut chérir, avec ses coutumes. A être trop influencé par le monde entier, on se perd et c'est dommage", conclut ce yodleur patriote.