Souffrant de troubles bipolaires, un ex-banquier dépensait sans compter. Il a acheté 27 tableaux à une illustre inconnue, accusée d'usure.
DOMINIQUE SUTER
suter@lacote.ch
La Cour correctionnelle a suspendu, hier, l'audience d'instruction à l'encontre d'un couple, afin de permettre à un expert psychiatre de se prononcer sur l'état mental du plaignant au moment de la commission des faits. L'enjeu consiste à savoir si Monsieur-tout-le-monde était capable, ou pas, de réaliser que les troubles dont souffrait ce monsieur le rendaient incapable d'apprécier la portée de ses actes. Car ce monsieur, cadre à l'UBS, souffre depuis longtemps de dépression et, au moment des faits, soit entre le printemps et l'été 2009, de troubles bipolaires. " J'achetais compulsivement n'importe quoi , admet-il. Des bibelots, des casseroles et... des tableaux ". Sa conduite l'a amené à se faire interner d'office durant trois mois peu après les faits. Il est désormais au bénéfice d'une rente AI. Et c'est Me Patricia Michelod, nommée tutrice en 2010, qui a découvert le pot aux roses et entamé une procédure pénale.
Il voulait faire commerce d'oeuvres d'art
L'accusée et sa victime se sont connus dans un bar chic de Nyon. Ils ont sympathisé, se sont revus en famille, s'invitant chez les uns et chez les autres. Le banquier lui souffle qu'il n'est pas insensible à ses peintures, accrochées momentanément dans le bar nyonnais. Il lui remet sa carte de visite qui mentionne "directeur UBS". De fait, ce Monsieur avait un portefeuille clients à traiter au sein de la banque, mais aucune charge de manager.
Il commence par acquérir cinq tableaux après avoir rencontré la peintre à plusieurs reprises, y compris dans son atelier. L'artiste les lui livre à domicile et lui en laisse quelques-uns en dépôt. Mais au final, il fera l'acquisition de 27 tableaux, pour une somme de 86 000 francs. " Je me rendais compte qu'à mon travail ça n'allait plus. En raison de mes nombreuses absences, je savais que je risquais le renvoi. Je pensais me recycler dans le commerce d'oeuvres d'art et dans l'immobilier ", admet-il.
Toujours est-il qu'il n'arrivera jamais revendre ses tableaux et si l'artiste a effectivement exposé ici ou là, sa cote n'est pas à la hauteur de ce que pensait sa victime. Les mise en garde de son épouse, de ses enfants, de son médecin n'ont eu aucun effet.
Dans un second temps, l'époux de la peintre, (qui est en attente de jugement pour escroquerie auprès du Tribunal de grande instance de Paris), aurait également profité de la faiblesse d'esprit de la victime pour lui soutirer de l'argent en vue de l'acquisition de biens immobiliers qui n'ont jamais été réalisés. Mais ce volet de l'instruction est pendant, la Cour préférant attendre les conclusions de l'expert psychiatre pour reprendre son audience.