Les Tessinois de Trickster-p proposent plusieurs rendez-vous pour penser notre rapport à la ville et à son espace.
Sights
Jeudi, vendredi et samedi, à 19h30 (45')
Cour de l'Usine. Entrée libre.
Maxime maillard
info@lacote.ch
Déjà présents en 2010 et en 2012, Cristina Galbiati et Ilija Luginbühl reviennent cette année au Far avec une création en cours de fabrication, intitulée "Sights", qui signifie "vues". Lors de cette étape nyonnaise, les deux artistes présenteront l'avancement de leur projet d'installation sonore. Cette création, prévue pour l'édition 2014, investira l'espace public à travers la parole enregistrée de personnes non-voyantes, qui décriront différents lieux de la ville selon leur perception. Rencontre.
Votre projet prendra la forme d'une installation sonore, et vous l'avez intitulé "Vues", n'est-ce pas contradictoire?
Cristina Galbiati: En fait, ce que nous cherchons, c'est une manière d'explorer le visuel autrement. Nous travaillons sur le thème de la cité et sur le rapport que nous entretenons avec l'espace. Et la question que nous nous posons est la suivante: est-ce que la vue est indispensable pour voir?
Ilija Luginbühl: C'est pour cela que nous avons décidé de travailler avec des personnes non-voyantes, pour qui, précisément, le point de vue change complètement.
Quel est l'état actuel de votre recherche?
CG: Nous avons commencé à rencontrer des personnes non-voyantes qui parlent différentes langues, car le projet sera développé dans les quatre régions linguistiques de Suisse. Ces rencontres nous ont permis de clarifier l'orientation du projet. Deux autres thématiques sont venues s'y ajouter: l'imaginaire et la mémoire. On s'est rendu compte en travaillant que la perception de la ville est quelque chose de très subjectif, surtout pour les non-voyants chez qui l'imagination et les souvenirs tiennent une grande place.
IL: En tant qu'artiste, on commence généralement à travailler avec une idée qu'on croit fantastique (rires) , puis vient le moment où on se confronte à la réalité, et l'idée change. Au départ, nous avions une idée poétique de la façon dont les aveugles voyaient, mais en travaillant avec eux, on s'est rendu compte que ce n'est pas du tout leur réalité.
CG: Actuellement, on est en train de détruire la première piste de travail.
Comment avez-vous fait pour entrer en contact avec des personnes non-voyantes?
CG: Le Far a fait beaucoup mais ce qui a marché le mieux, c'est le bouche à oreille. Nous avons ainsi rencontré une personne qui a habité longtemps à Nyon. Il y a aussi des personnes de Genève, Lausanne, Morges. Jusqu'à présent, toutes celles que nous avons rencontrées ont dit "oui" .
En quoi consiste l'étape présentée cette semaine?
CG: C'est une résidence qui nous permet de présenter l'état d'avancement de notre travail et de dialoguer avec d'autres artistes ainsi qu'avec les spectateurs. Le thème du Far cette année, "Tu vois comment", est une invitation à aller explorer le processus en cours. L'idée est donc de rencontrer le public à plusieurs reprises, d'échanger avec lui, pas seulement sur le projet, mais aussi sur les thématiques telles que l'objectivité et la subjectivité, l'espace de la ville dans notre imaginaire et notre mémoire.
IL: D'une certaine manière, ce que nous allons présenter, c'est notre nudité. Ce n'est pas si facile de montrer un projet en cours. Pour moi c'est un grand risque, mais notre expérience précédente dans un festival à Bellinzone nous a montré que cela pouvait générer des échanges fructueux.
C'est la troisième fois que vous venez au Far, que représente pour vous le festival?
CG: On y découvre beaucoup de choses qu'on ne voit pas ailleurs, contrairement à d'autres festivals où l'on retrouve toujours les mêmes noms. En plus, il y a une volonté chez les organisateurs de valoriser le processus de création, et pas uniquement le projet fini. C'est un grand privilège.
IL: Oui, ce n'est pas un festival seulement fait pour acheter et vendre des spectacles. Ici, nous avons beaucoup de relations avec d'autres artistes et avec les spectateurs, ce qui est très enrichissant.